À peine le groupe Lagardère avalé il y a quelques jours, les grandes manœuvres commencent déjà pour Vivendi. Le groupe de médias, de communication et de divertissement, contrôlé par la famille Bolloré, a annoncé ce mercredi soir étudier un «projet de scission de ses activités en plusieurs entités cotées». En cause ? La décote de Vivendi en Bourse. Le conglomérat, qui s’apprête à faire son retour au CAC40 lundi prochain, est aujourd’hui valorisé 9,1 milliards d’euros. «Depuis la distribution cotation d’Universal Music Group il y a deux ans, la décote est importante, explique Jérôme Bodin, analyste financier chez Oddo BHF. La valeur réelle de tous les actifs de Vivendi n’est pas reflétée.» Entre l’étude du projet et son éventuelle réalisation, une période d’un an et demi pourrait s’écouler, selon nos informations.
Vivendi éprouve la nécessité de rationaliser l’ensemble en réorganisant son empire par métiers, arrivés pour la plupart à un moment de transformation. Ce projet de scission serait structuré notamment autour de Canal , Havas et d’une société d’investissement incluant sa participation majoritaire dans le groupe Lagardère. L’objectif est de donner la capacité au groupe Canal , son actif majeur dans l’audiovisuel, d’exploiter d’autres opportunités de consolidation à l’échelle internationale. Canal abrite aujourd’hui la seule plateforme tricolore capable de rivaliser avec des géants américains du streaming comme Netflix ou Disney .
Pour sa part, le géant de la communication Havas (plus de 23.000 collaborateurs à travers une centaine de pays) affiche des résultats financiers très solides comparés à ses pairs internationaux comme l’Anglais WPP ou l’Américain Omnicom, dans une période économique pourtant chahutée. Si Havas a multiplié les acquisitions ciblées depuis la pandémie, il lui est impossible de réaliser des opérations structurantes (comme l’a fait il y a quelques années le Français Publicis, aujourd’hui salué par les marchés financiers) ou des fusions «en papier» en payant des opérations de croissance externe en titres, plutôt qu’en cash.
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Au-delà de la cotation de Canal et d’Havas, Vivendi envisage la création d’une société d’investissement détenant des participations financières cotées et non cotées. Elle inclurait alors son groupe de presse Prisma Media (Voici, Femme Actuelle, Geo, Télé-Loisirs, Capital…) ainsi que sa participation de 59,71 % dans le groupe Lagardère, qui abrite notamment Hachette Livre et l’activité de Travel Retail. Cette société détiendrait également les participations de Vivendi dans Universal Music Group (9,98 %), FL Entertainment (19,21 %), MediaForEurope (19,79 %), Multichoice Group (près de 30 %) ou encore la douloureuse aventure italienne Telecom Italia (23,75 %), récemment reclassée en participation financière.
Vivendi espère ainsi pouvoir continuer d’exercer une forme de contrôle sur des groupes actifs dans différents métiers (musique, édition, publicité, télévision payante…) dont la valeur serait mieux reconnue par les marchés. «C’est aussi une façon de conserver le contrôle du groupe tout en allant chercher du cash sur les marchés pour se désendetter à moindre coût», estime un analyste.
Au-delà de la faisabilité, le groupe étudiera surtout les intérêts financiers et fiscaux d’un tel projet pour ses actionnaires… Il n’a pas précisé où les différentes cotations pourraient intervenir si le projet avait vocation à être mené à bien. «Un point sur l’avancement de l’étude sera fait en temps voulu», précise simplement le communiqué. Avec cette annonce nocturne, le patriarche breton Vincent Bolloré surprend une fois de plus les analystes financiers et de nombreux investisseurs, qui s’attendaient plutôt à ce que le groupe Bolloré (actionnaire de référence, avec 29,4 % du capital et 29,43 % des droits de vote) rachète l’intégralité du capital de Vivendi pour sortir le conglomérat de la Bourse. L’année 2024 s’annonce mouvementée.