Envoyé spécial au Grand Colombier
L’obsession est telle qu’il est probable qu’ils se suivent à la trace jusqu’à leur chambre d’hôtel et attendent fébrilement l’extinction des feux. Avant de reprendre, avides, leur pas de deux dès les premières lueurs de l’aube. Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar s’épient, se redoutent. Sur tous les terrains. Un marquage serré. Au cuissard. Digne d’un match de football.
À tour de rôle, ils s’appliquent à répandre dans le cou de l’autre le souffle chaud d’une présence encombrante. Ombre obsédante. Dans la montée du Grand Colombier (qui a vu triompher le Polonais Michal Kwiatkowski, prolongeant le plaisir de l’équipe Ineos qui, comme en 2022 avec Tom Pidcock à l’Alpe d’Huez, a remporté l’étape du 14 juillet), dernière difficulté de la 13e étape, Vingegaard n’a rien vu de la route à part le dos secoué par le mouvement d’épaules de son rival. Dans les derniers 400 m, il a cédé quatre secondes (plus quatre de bonifications). « C’est une petite victoire pour nous »,a résumé Pogacar, infatigable attaquant. « Mon objectif était de rester en jaune, je suis encore en jaune, donc je suis heureux », a répondu son rival.
Après 13 des 21 étapes, le Danois (tenant du titre) et le Slovène (titré en 2021 et 2021) sont séparés seulement par 9 secondes. Et les difficultés à venir donnent le vertige. Après les Pyrénées, le Massif central et le Jura, place à un week-end haut perché dans les Alpes avec la 14e étape arrivant à Morzine (par les cols de la Ramaz et de Joux Plane) et la 15e étape plantée au sommet de Saint-Gervais-Mont-Blanc (après avoir notamment escaladé le col de la Croix Fry et le col des Aravis).
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« Nous conservons le maillot jaune, nous défendons la place de Jonas. Pour le moment, il se sent bien. C’est difficile de comparer avec l’année dernière mais il est fort. Les deux prochaines étapes offriront des possibilités. Je pense que le suspense va durer. Ils sont tellement proches au classement général… Cela pourrait durer presque jusqu’à Paris », avance Arthur Van Dongen, l’un des directeurs sportifs de l’équipe Jumbo-Visma.
Joxean Fernandez Matxin, l’un des directeurs sportifs de l’équipe UAE Team Emirates, observe le duel : « Tadej ne porte pas de lourd sac à dos. Il a un groupe avec lui. Il croit en l’équipe. L’équipe croit en lui. La situation est tendue mais il est bien. Il progresse de jour en jour. Il a plus de confiance, une meilleure condition mais il en va peut-être de même pour Jonas… » Avec Vingegaard et Pogacar, demain ne meurt jamais…