Le parcours en équipe de France de Tamara Horacek ressemble bien plus à des montagnes russes qu’à un long fleuve tranquille. D’un début en fanfare, avec une médaille d’argent olympique à Rio en 2016, une compétition lors de laquelle elle ne joue que quelques minutes en finale face à la Russie en remplacement d’une Chloé Bulleux forfait, à une autre récompense argentée cinq ans plus tard lors des Championnats du monde, la Franco-croate a connu entretemps un parcours pour le moins mouvementé. Mais qui ne lui a jamais ôté le magnifique sourire qu’elle arbore en toute situation, et qu’elle revendique avec fierté : «Je pense que quand quelque chose ne va pas, tout le monde n’a pas besoin de le savoir. Chacun a ses problèmes, mais il faut, dans une vie de groupe, savoir les mettre de côté. Un sourire, c’est gratuit et cela donne de la force aux autres. Je ne fais pas semblant de sourire, je suis réellement comme ça. J’aime encourager mes coéquipières, être à l’écoute des autres.»
Un état d’esprit remarquable, allié à un talent certain et une génétique ayant fonctionné à plein – elle qui est la fille de l’ancienne internationale croate Vesna Horacek –, qui aurait dû lui permettre de devenir totalement incontournable en équipe de France. Las, il n’en était rien. La faute, notamment, à une sérieuse blessure au genou qui lui faisait manquer l’Euro 2018, remporté par ses partenaires. Mais aussi à un départ, lors de l’été 2017, pour Paris qui aura tardé à porter ses fruits, la laissant sur la touche lors du titre mondial des Bleues décroché la même année. En fait, sans le savoir, celle qui avait décidé de prendre la nationalité française à ses 18 ans venait de voir le TGV bleu lui filer sous le nez. Et quand elle était de l’aventure, le timing n’était encore une fois pas le bon puisqu’elle se retrouvait à disputer la Coupe du Président – sorte de coupe de consolation pour les équipes éliminées dès le 1er tour) – lors d’un Mondial 2019 chaotique pour la France.
Jusqu’au Mondial 2021 où elle parvenait enfin à prendre le bon wagon. Ce qui coïncidait avec son retour à Metz, après une expérience délicate à l’étranger, dans le club hongrois de Siofok, qu’elle quittait en raison des problèmes financiers rencontrés par celui-ci. Un départ mal négocié, qui lui valait un an de suspension avec sursis de la part de l’EHF pour s’être engagé avec la formation lorraine alors qu’elle était toujours sous contrat avec Siofok. Mais à Metz, son club formateur, où avait évolué sa mère de 2004 à 2010, Tamara Horacek peine à s’imposer. À tel point que dès début décembre 2022, elle prenait la décision d’annoncer son départ pour Nantes. Sept mois avant la fin de la saison. Un choix assumé. «C’est un gros pari, que j’ai pris en concertation avec le sélectionneur Olivier Krumbholz. Je lui en ai parlé avant de prendre ma décision car je ne voulais pas me priver des Jeux olympiques. Et puis il faut se rappeler qu’au moment où j’ai signé, je n’avais pas beaucoup de temps de jeu à Metz. C’est seulement depuis que j’ai annoncé mon futur départ qu’on m’a donné les clés, ce qui m’a conforté dans mon choix finalement. J’ai travaillé pendant un an et demi comme une acharnée pour les avoir et cela a été frustrant de voir à quel point cela avait tardé. Et aujourd’hui, je suis soutenue par le staff de l’équipe de France et je suis sereine quant à mon choix.»
Un pari d’autant plus important que de son propre aveu, la demi-centre de 27 ans venait de réaliser une seconde moitié de saison réussie. «Sur un plan personnel, je pense que c’est l’une des saisons les plus abouties de ma carrière. Je me suis sentie bien, que ce soit en sélection ou en club. Je suis satisfaite de ce que j’ai produit et il me tarde d’enchaîner.» Et la jeune femme d’ajouter sur sa future destination nantaise : «J’aime bien les défis dans la vie, car cela met du piment. Je fonctionne beaucoup par rapport à cela pour me remettre en question, pour me mettre en difficulté et voir comment je suis capable de rebondir. Là, j’ai signé dans un club qui monte en puissance mais évidemment que nous allons perdre plus de matches qu’avec Metz. Mais c’est un challenge qui me plaît. Nantes va m’octroyer un statut qui me va, car j’ai besoin d’assumer mes responsabilités, mon rôle si je veux m’installer en équipe de France.»
Arrivée au handball presque par hasard, car à l’âge de 6 ans elle était trop jeune pour commencer le volley, discipline qui avait sa préférence, Tamara Horacek n’a ensuite plus quitté les parquets. «Mais ce choix n’était pas lié à ma mère», rappelle-t-elle. Même si, depuis, l’élève a dépassé le maître. «Elle me l’a dit déjà, mais je ne suis pas d’accord car elle a gagné une Ligue des Champions et pas moi», précise-t-elle. Tout en reconnaissant avoir passé un cap cette année. «Lors des stages en mars et avril, j’ai eu des retours de certaines personnes qui m’ont dit : Tamara, tu as pris une autre dimension.» Et la future Nantaise de poursuivre : «Le sélectionneur avait une vision claire de mes manques : il me disait qu’il fallait que je gagne en temps de jeu et en régularité de performance. C’est ce que j’ai fait sur la seconde moitié de la saison dernière avec Metz. Certes, je ne marquais pas dix buts par match, ce qui n’a jamais été ni ma force, ni mon rôle. Du coup, j’ai envie de dire désormais qu’il ne me manque que du temps pour m’exprimer car j’ai prouvé des choses avec mon club dans la meilleure compétition qui existe : la Ligue des Champions. J’ai démontré que j’étais stable, que je pouvais mener une équipe sur un terrain, ce qu’exige mon poste. Défensivement, je suis très complète. Donc si on me donne ma chance, je me sens prête à la saisir.»
Ce samedi, à quasiment un an des Jeux olympiques à Paris, la France défiera la Norvège chez elle. Un simple match amical qui lancera cependant une année très importante, avec un Mondial (29 novembre au 17 décembre) avant la grand-messe olympique (20 juillet-20 août 2024). «Tous les jours, j’ai l’impression que les Jeux sont demain tellement on m’en parle», avoue-t-elle. «Et à force, c’est entré dans ma tête. Le matin quand je me lève et que je vais courir, j’ai les Jeux 2024 à l’esprit. Je me dis que je me prépare pour ça, pas pour la saison qui va arriver. Le prochain Championnat du monde doit nous permettre de franchir un palier sur le plan offensif, de valider le travail effectué. C’est vraiment le grand chantier mis en œuvre. Et évidemment, on ne va pas sur une telle compétition pour y faire de la figuration. Le but sera d’entretenir notre confiance à quelques mois des Jeux en atteignant au moins le dernier carré.»
Deux compétitions lors desquelles elle veut jouer un rôle plus important que jusqu’à présent, malgré la concurrence à son poste de Grace Zaady et Méline Nocandy, cette dernière étant cependant blessée. «Oui, j’ai un rôle différent. Je suis quelqu’un de très calme, et je dois apporter de la sérénité dans l’équipe quand tout le monde est un peu trop excité.» D’autant plus qu’elle entretient un lien particulier avec Olivier Krumbholz. «J’ai une relation très particulière avec Olivier car il m’a connu quand j’avais 8 ans à Metz. Sa femme m’a entraîné. Dans le groupe, je suis l’une des seules à le vouvoyer. Je fonctionne beaucoup au respect, et je sais qu’il me respecte. Même si je n’ai pas toujours eu le temps de jeu que j’aurais aimé avoir, il m’a toujours apporté son soutien et il me disait que j’étais importante. C’est d’ailleurs comme ça que je me suis construite. Ce n’est pas parce que je ne joue pas que je vais tirer la gueule. Il faut aider ses coéquipières au quotidien. J’ai vraiment une bonne relation avec lui et on peut discuter ouvertement.»