La croissance française a-t-elle résisté mieux que prévu aux vents contraires grâce à un navire ? En baisse constante depuis le deuxième trimestre de l’année 2022, le produit intérieur brut (PIB) de la France a sensiblement progressé au deuxième trimestre ( 0,5% en volume, après 0,1% au trimestre précédent), selon les chiffres de l’Insee publiés fin juillet. De bons résultats qui s’expliquent notamment par une dynamique du commerce extérieur. De fait, les exportations ont rebondi ce trimestre ( 2,6 % après ‑0,8 %), ainsi que les importations, dans une moindre mesure ( 0,4 % après ‑2,0 %).
Et, selon les statisticiens nationaux, ce bond des échanges a été porté, en particulier, par «la livraison d’un paquebot» sur les trois derniers mois. Une observation qui a suscité l’étonnement d’internautes : «Voici le PIB français au deuxième trimestre», a écrit, avec ironie, un commentateur, sur Twitter. Et d’ajouter : «L’export fait vivre».
La publication de l’Insee mentionne la livraison du MSC Euribia, un navire de croisière de 331 mètres de long construit dans les Chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire. Mais une seule exportation, aussi importante soit-elle, peut-elle changer à ce point la donne ? La réalité est un peu plus compliquée que ça, répondent les statisticiens. Au moment de la livraison de ce paquebot à l’armateur italo-suisse MSC Croisières, on enregistre certes une exportation importante, mais aussi une diminution de stock dans les chiffres français. Or, «en comptabilité nationale, la contribution au PIB de cette activité passe par la production, qui est enregistrée progressivement sur toute la durée du chantier (qui a duré environ 2 ans, ndlr), et a pour contribution une augmentation progressive de stock», indique-t-on. Et comme ce type de navire est cher, estimé à plus d’un milliard d’euros (soit 0,2 point de PIB trimestriel), «cette exportation/diminution de stock a un fort effet au moment de la livraison sur la décomposition de la croissance, mais assez peu sur la croissance elle-même», explique l’Insee.
Concrètement, les bons chiffres de ce deuxième trimestre «s’expliquent donc plutôt par le dynamisme de la production, tant industrielle que de services, que par cette histoire de paquebot», nuance-t-on à l’Institut. En outre, les Chantiers de l’Atlantique «contribuent à la croissance par l’augmentation de leur rythme de production en volume, c’est-à-dire en construisant plus vite de plus gros paquebots, mais c’est un processus très progressif et plus lisse que ces mouvements de livraison». Il n’est donc pas tout à fait possible de corréler cette livraison, début juin, aux bons chiffres publiés fin juillet. L’Insee estime enfin «ne pas publier de donnée à un niveau suffisamment détaillé (notamment sur la valeur ajoutée) pour quantifier précisément cet effet».
Reste que le MSC Euribia, baptisé en l’honneur d’Eurybia, divinité des océans dans la mythologie grecque connue pour avoir maîtrisé les vents, la météorologie et les constellations pour contrôler la mer, est officiellement mis en service. Long de 331 mètres et large de 43 mètres, ce mastodonte des mers embarquera jusqu’à 6327 voyageurs et 1711 membres d’équipage. Son premier voyage aura lieu dans quelques jours, fin août, sur les eaux d’Europe du nord, entre la France, l’Allemagne, la Norvège ou encore les Pays-Bas. Il aura rapidement des petits frères : trois autres paquebots de sa carrure devraient sortir des Chantiers de l’Atlantique en 2024, 2025 et 2027. De quoi lisser sur plusieurs années le dynamisme de la production de celui qui est devenu l’un des leaders mondiaux des constructeurs des plus grands navires à passagers, avec plus de 150 paquebots livrés depuis sa création.