L’ennemi, c’est le ciel. Ils ont peur en avion. Ce sont là des soucis bien embarrassants. Que faire? Cela se soigne. Du moins si l’on en croit la brochure de «Voyageurs intrépides» qui promet de guérir cette phobie grâce à un stage intensif. Ils sont trois à participer à l’aventure. Il y a un ancien des Forces spéciales reconverti en auteur de romans policiers à succès. Il y a un créateur d’applications, accompagné de sa petite amie influenceuse. Il y a surtout Sarah, femme d’affaires, qui a accepté le défi la veille de son départ en vacances avec son nouveau compagnon (destination le Cap Vert, où l’on ne risque pas de se rendre à pied). Les voilà embarqués dans un vol réparateur pour l’Islande censé guérir leur angoisse. Il faut le dire vite.

Dans Zone(s) de turbulence, les ennuis commencent dès l’embarquement à Gatwick. L’instructeur n’est pas celui qui était prévu. Ce Charles est adorable, certes, mais il n’est visiblement pas à la hauteur. Dans la carlingue, la trouille est palpable. Les trous d’air surviennent. Cela provoque des cris et des sueurs froides. La guérison est à ce prix. La folle de réseaux sociaux se filme sans arrêt. Son nigaud de fiancé se remonte le moral à coups de whisky (les autres breuvages ne sont pas interdits). L’écrivain est censé en avoir vu d’autres aux Falkland. Cela ne l’empêche pas de céder à la panique. Le gentil organisateur n’est pas le dernier à être dépassé par les événements. Les voyageurs ne sont pas au bout de leurs peines.

À l’arrivée, on leur annonce que leur retour est retardé sans davantage de précision. Problème de moteur, finissent-ils par apprendre. Neuf heures à patienter minimum. Sarah est bien embêtée. Et son séjour en Afrique de l’Ouest, alors? Ils veulent tous rentrer chez eux. Au guichet, la préposée de la compagnie essuie une bordée d’insultes. L’accompagnateur pète les plombs. On leur propose de patienter dans un hôtel de luxe à quelques kilomètres. Là-bas, la situation empire. L’établissement est perdu dans la neige, au milieu de nulle part. Les portables ne captent pas. Comment quitter cet endroit sophistiqué?

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Le gourdiflot continue à se saouler. Sa copine commence à le trouver lourd. Un milliardaire occupe la chambre voisine. Un stewart à moustache pourrait jouer les saint-bernard. Le sauna permet des rencontres impromptues. Au moins, l’influenceuse aura des choses à raconter. Sarah convoque un taxi en douce, se retrouve après un tête-à-queue en train de courir en sous-vêtements dans le blizzard.

Crises de nerfs et hurlements ponctuent cette comédie tournée les doigts dans la prise et qui n’est pas sans évoquer un mélange de Snow Therapy de Ruben Östlund et des Nouveaux Sauvages de Damian Szifron. Le vernis craque. L’absurdité règne. Le dépaysement est garanti. Timothy Spall joue avec un élastique pour se détendre, découvre les vertus de la chaise roulante.

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Pour sa première réalisation en anglais, l’Islandais Hafsteinn Gunnar Sigurdsson (Under the Tree) choisit le rire grinçant, adopte un pessimisme de qualité supérieure, regarde des bribes de civilisation s’effriter doucement dans un décor glaciaire. Ça, les passagers s’en souviendront. Les spectateurs aussi, qui se réjouiront d’avoir été entraînés dans ce périple plein d’inattendu. Le moyen d’attacher sa ceinture dans son fauteuil de cinéma? Les seuls risques de turbulences seront dus à une hilarité contagieuse. Prêts à décoller? Une certitude, néanmoins: le film ne sera projeté sur aucun long-courrier.