C’est la polémique du 15 août. Juliette Armanet, l’une des chanteuses du moment, s’est attaquée à une légende et à son œuvre principale. Interrogée dans un média belge, l’auteure-compositrice à succès s’en est pris à Michel Sardou et ses magistraux «Lacs du Connemara». Lorsqu’on lui demande quelle chanson lui ferait quitter une soirée, elle répond «Les lacs du Connemara».
Juliette Armanet reproche à cette histoire de mariage irlandais «un côté scout, sectaire» et la musique d’être «immonde» (elle est signée par Jacques Revaux). «C’est de droite, rien ne va», conclut-elle. Pourtant, «Les lacs» (1981) est un des titres les plus consensuels de Michel Sardou (plus d’un million d’exemplaires pour l’album et le single). Pour Juliette Armanet (et les autres), voici cinq chansons classées vraiment à droite.
La chanson la plus polémique du chanteur. Réagissant à l’affaire Patrick Henry, assassin du petit Philippe Bertrand, Michel Sardou jette sur le papier quelques vers qui vont enflammer la variété française. «Tu as volé́ mon enfant/ versé le sang de mon sang […] Tu as tué l’enfant d’un amour/Je veux ta mort/Je suis pour.» Cette dernière phrase classe le chanteur encore plus à droite et dans le camp des pro-peine de mort. Lui se défend, évoquant la loi du talion. Des comités anti-Sardou se montent, ses concerts sont perturbés et l’artiste en sort essoré. Il se calme pour un temps, mais l’image de Sardou reste à jamais marquée par ce titre… qu’il n’a plus jamais chanté en concert depuis quarante ans.
On dit souvent que lorsqu’on tombe de cheval, il faut vite remonter. C’est pareil pour les polémiques. Deux ans après les incidents liés à l’album La Vieille (qui comptait en plus de «Je suis pour», «J’accuse» et «Le temps de colonies» – une chanson loin d’être de droite), Sardou sort Je vole, un album à l’apparence consensuelle. Dans un des titres, il se fait démographe et déplore que «Nous, les champions de l’amour, nous en resterons toujours à n’avoir seulement que 50 millions de Gaulois.» «Pourquoi cette sous-production dans notre reproduction quand l’amour est la spécialité de la Nation ?», se questionne-t-il avant de prôner une politique familiale offensive pour «peupl(er) la Lozère».
Il s’agit véritablement du seul combat politique de Michel Sardou. Véritable empêcheur de chanter en rond, l’artiste a fait sienne la phrase de Molière : «Faire enrager le monde est ma plus grande joie.» Mais cette fois c’est sérieux. Pour marquer son opposition à la volonté du ministre de l’Éducation Alain Savary de supprimer les établissements d’enseignement privé, il enregistre la très offensive «Les deux écoles». Il explique que le privé et le public ont leur qualité et leur défaut. «Cette sacrée République […]/Fille aînée de l’Église et de la Convention […] serait bien heureuse que ses maîtres la laissent/Libre de faire l’amour et d’aller à la messe.»
Le chanteur rejoint les cortèges menés par la droite lors de la grande manifestation qui réunit un million de personnes et qui fera reculer le gouvernement. «Quelles que soient nos opinions. On fait sa révolution… En chanson.»
François Mitterrand aimait beaucoup Michel Sardou. Mais il a sans doute dû s’étrangler en entendant cette violente charge contre «(s)es camarades» socialistes. «Il y a dans l’air que l’on respire/Comme une odeur, comme un malaise/Tous les rats s’apprêtent à partir/Ne vois-tu rien de ta falaise?»
Sardou accompagne le tournant de la rigueur, les premières désillusions de la rose après l’ivresse de mai 1981 et la future défaite de 1986. Le titre n’a pas la violence de certaines chansons des années 1970, mais elle replace l’artiste au cœur du ring politique. Sardou est un chanteur de droite ! François Mitterrand ne lui en tiendra pas rigueur : il le fait chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 1985.
La dernière polémique du chanteur. Michel Sardou écrit les paroles d’«Allons danser» au moment où Nicolas Sarkozy se lance à l’assaut de l’Élysée. Les vers semblent sortis du programme du candidat UMP. «D’où que tu viennes, bienvenue chez moi/En sachant qu’il faut respecter/Ceux qui sont venus longtemps avant toi». Ou encore : «Parlons enfin des droits acquis/Alors que tout, tout passe ici bas/Il faudra bien qu’on en oublie/Sous peine de ne plus jamais avoir de droits.» Alors, quand les paroles s’affichent sur la dernière page du Parisien, le scandale éclate. Sardou, Sarkozy, même combat ? Le chanteur s’en défend avec un petit sourire, très content de son coup.
S’il n’a pas encore réagi à l’attaque de Juliette Armanet, il pourrait lancer en guise d’apaisement les quelques mots de cette chanson : «Et puis allons danser pour oublier tout ça. Allons danser»