Les écologistes se sont donné rendez-vous au Havre à partir de jeudi, dans les docks, non loin du port. Au fil des heures qui ont précédé en fin de journée, celle, fatidique, du rendez-vous avec le rappeur controversé Médine et la secrétaire nationale Marine Tondelier, leur fragile embarcation a donné des signes de faiblesse, malgré une volonté marquée de se dégager de la polémique.
Déjà, comme tous les autres partis de la gauche au sein de la Nupes, les écologistes ont accusé le coup avant l’été de leur échec à combattre la réforme des retraites voulue par le gouvernement… Ils peinent par ailleurs, spécifiquement, malgré toute leur bonne volonté, à embarquer à leur côté les mouvements de jeunes engagés dans le mouvement climat, parfois de façon très radicale. À cela donc, vient s’ajouter une difficulté à trouver un chemin vers les quartiers urbains populaires. La polémique avec Médine l’exprime de façon criante.
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Députée EELV de Paris, membre d’une commission interne au parti dédiée à la lutte contre l’antisémitisme, créée il y a moins de deux ans, Eva Sas n’est pas loin d’être effondrée. Elle le reconnaît. « Nous avons un énorme déficit de relations avec les quartiers populaires, il nous faut vraiment y remédier et cela aurait pu être une bonne idée de l’inviter. Pourquoi pas ? Sauf que non, c’était vraiment une mauvaise idée. » Pourquoi ne s’y est-elle pas opposée, avec son groupe, au moins après le tweet jugé comme antisémite contre l’essayiste Rachel Khan ? La réponse est floue. Elle-même comme beaucoup, ne le connaissait pas très bien. Avec la torpeur de l’été, la façon très ouverte des écologistes de conduire leur démocratie interne, leur goût du débat et des risques, le choix du bureau exécutif du parti n’a pas été amendé.
« Sur l’antisémitisme, on ne peut pas se permettre d’être ambigus,se désole Eva Sas. Tout le travail que nous menons en interne est désormais occulté et nous allons mettre des années à nous remettre de cette affaire sur ce plan… » Son agacement est d’autant plus fort qu’elle voit les profits qu’en tirent leurs oppositions, à l’extrême droite comme chez Renaissance. « La polémique est amplifiée, dit-elle, par ceux qui veulent nous faire taire. Avec eux, tout est bon pour nous décrédibiliser. Ils savent que nous avons raison sur le fond mais profitent de la situation pour ne rien changer. »
Candidate aux européennes des écologistes, désignée par le parti en juillet, Marie Toussaint incarne l’opposition du parti à cette invitation. Elle a eu des mots lapidaires à ce sujet sur Franceinfo. Jeudi matin avant son premier grand discours de candidate, forcément un peu mal à l’aise à côté de Marine Tondelier, elle a voulu éteindre l’incendie. « J’ai dit ce que j’avais à dire sur Médine. Il n’y a aucun conflit avec Marine Tondelier. Nous sommes deux femmes qui disent ce que nous avons à dire dans la période, notre part de vérité. » Pas question de « nourrir ce récit des écologistes divisés ».
Devant les militants, dans une longue intervention, augurant de talents oratoires malgré un tempérament discret, elle a tenté de raccrocher les wagons. « Marine, on est ensemble ! Cyrielle, Sandrine Yannick, on est ensemble ! Est-ce qu’on sera toujours d’accord sur tout ? Je vous le donne en mille : non. Mais nous avons le devoir de réussir. » « Marine, tu as toute ma confiance et tout mon soutien, a-t-elle insisté. Nous pouvons avoir des désaccords mais ils ne mèneront pas à la division… » Une façon d’espérer. Plusieurs, jeudi, dont l’ancien candidat à la présidentielle et député européen, Yannick Jadot, ont fait le choix de ne pas aller écouter Médine…