On l’appelle «the Arrow», «la Flèche». Et ce n’est pas en raison d’un parcours rectiligne jusqu’au plus haut niveau… Invité surprise de la liste de Vincent Collet pour la Coupe du monde (25 août-10 septembre), Sylvain Francisco, 25 ans, a pas mal bourlingué pour en arriver là. Départ pour les États-Unis à 14 ans, retour chez les jeunes puis les pros à Boulogne-Levallois (2017-19) sans passer par la case NCAA et encore moins NBA, passage au Paris Basketball en Pro B (2019-20), révélation en Jeep Elite avec Roanne (2020-21), expérience au sein de la puissante Liga espagnole avec Manresa (2021-22) avant d’atterrir en Grèce, à Peristeri, la saison dernière. Et ce sous les ordres d’un certain Vasilios Spanoulis, meilleur marqueur de l’histoire de l’Euroligue. «Spanoulis me disait tout le temps que quand j’hésite, je suis un joueur lambda, mais quand je joue avec mon instinct, je suis un « One million dollar player »», s’amuse le natif de Créteil auprès de l’AFP. Message reçu. Encore que l’intéressé, véritable pile électrique sur le parquet, n’avait pas besoin qu’on le pousse dans ce domaine.

C’est surtout dans le registre de la gestion que Francisco s’est développé, réalisant une saison cinq étoiles en Grèce. 16,2 points et 5,8 passes décisives de moyenne, une sélection au All Star Game local, une place dans le meilleur cinq grec de la saison (aux côtés du pivot des Bleus Moustapha Fall) et… une signature au Bayern Munich, pensionnaire de l’Euroligue. Pablo Laso s’est laissé séduire par les qualités de la bombe francilienne mesurée à 1,79m à en croire la Fédération française de basket (FFBB) et… 1,85m pour son club. Dans tous les cas, c’est le plus petit joueur du groupe de 12 qui défendra les couleurs de la France au Mondial. «Je ne m’y attendais pas; j’ai été vraiment choqué quand j’ai vu mon nom, et tout le monde à la maison est devenu fou», jure le numéro double zéro des Bleus, qui a largement eu l’occasion de faire admirer sa détente et son côté «show», à l’image de ce dunk de folie contre le Monténégro (80-69).

Ce qui a séduit Vincent Collet ? Un profil atypique, à un poste de meneur où la France n’a pas un réservoir illimité. Surtout que Thomas Heurtel est non-sélectionnable tant qu’il évoluera en Russie. Frank Ntilikina a été contraint de déclarer forfait en cours de préparation. Et il y en a d’autres, trop tendre au moins pour l’instant, comme les NBAers que sont Théo Malédon (peu en vue l’an dernier à l’Euro) ou Killian Hayes. Pour le sélectionneur, le choix s’est porté entre l’expérimenté Andrew Albicy et Sylvain Francisco, ce dernier se décrivant lui-même comme un joueur «très rapide et polyvalent. J’aime jouer en transition, attaquer le panier, prendre des tirs à trois points, lire le pick-and-roll et, bien sûr, ne pas négliger la défense», explique-t-il aux supporters du Bayern, sur le site de sa nouvelle équipe. Explosif. Collet avait d’ailleurs déjà eu l’occasion de le lancer en Bleu lors des fenêtres en cours de saison. Et ce dès février 2022, avec ensuite un carton à 21 pions contre la Lituanie en novembre dernier (90-65), aux côtés du prodige Victor Wembanyama.

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Pourquoi pas Albicy ? «C’est certainement le poste sur lequel on a le plus hésité, a expliqué Collet au moment de l’annonce de la liste. L’émergence de Sylvain, ce qu’on a pu constater sur les fenêtres et la saison, il a fini fort en Grèce, son évolution, son âge. On voulait l’intégrer cette année dans la perspective des JO. On a considéré que deux meneurs de petite taille était un luxe qu’on ne pouvait pas se permettre. On a fait un autre choix avec Frank, un profil plus défensif, comme Andrew. On a beaucoup réfléchi en termes d’équilibre et de complémentarité autour des leaders, Nando De Colo et Evan Fournier dans la ligne arrière. On a essayé de leur associer des joueurs complémentaires en termes de définition de rôle dans l’équipe.»

Jusqu’ici, l’attelage fonctionne plutôt bien, Francisco ayant pour mission de «changer, sur des temps court, la physionomie d’un match. Il a un instinct d’attaquant et c’est un atout qu’on essaiera d’utiliser dans certaines circonstances», comme l’a indiqué Collet après ses 14 points contre le Japon (88-70), à la fin de la préparation. Francisco n’avait pas joué lors de la rencontre précédente, en Lituanie (70-76). «Je n’ai pas joué à Vilnius mais ce n’est pas une déception, a-t-il juré. Je suis sur le banc je serai toujours prêt si Vincent m’appelle». Un joker.

Au vu du peu de concurrence à la mène actuellement, et en sachant que Nando de Colo (36 ans) n’est pas éternel, Sylvain Francisco a en tout cas une grosse carte à jouer pour l’avenir. «Je sais d’où je viens. Je veux prouver de quoi je suis capable au niveau supérieur», disait-il en signant au Bayern. Des mots qui peuvent aisément se transposer au contexte de l’équipe de France, même s’il ne part pas pour avoir un temps de jeu énorme lors de la campagne 2023. «Que ce soit sur ou en dehors du terrain, il apporte quelque chose de différent, quelque chose qu’on n’a pas eu en équipe de France depuis que je suis là, et encore moins à ce poste, savoure Nicolas Batum. Il amène une folie, un côté athlétique. C’est quelque chose qui va nous apporter. Il n’a peur de rien. Ce n’est pas le plus grand, mais c’est peut-être celui qui en voudra le plus sur le terrain. Partir avec un mec comme ça, c’est toujours un bonheur, on sait qu’on pourra compter sur lui quoi qu’il arrive.» C’est tout ce qu’on lui demande. À lui de répondre présent.