Qu’elles touchent à la santé, à la famille ou encore au logement, les prestations sociales françaises ont été portées au cœur des débats parlementaires sur la loi immigration ces derniers jours. Mais, si les aides versées par l’État nourrissent bien des fantasmes, il n’est pas toujours facile de se retrouver dans cet essaim d’acronymes. RSA, APL, ASPA, PUMA… Ces aides sont-elles vraiment ouvertes à tous, y compris aux étrangers réguliers et irréguliers? Quelles sont les conditions exactes pour en bénéficier? Que va changer la nouvelle loi «Immigration»? Le Figaro fait le point.
Impossible de faire un tour des prestations sociales sans évoquer le Revenu de solidarité active (RSA), qui est venu succéder au Revenu minimum d’insertion (RMI) en 2005. Maintes et maintes fois réformée, cette aide vise à compléter le revenu des personnes démunies ou aux ressources faibles, dans le but de garantir à l’ensemble des Français un revenu minimal. Reste que pour prétendre au RSA, il faut remplir un certain nombre de critères.
De nationalité, d’abord : seuls les individus français, suisses et les citoyens de l’Espace économique européen présents en France depuis trois mois peuvent y avoir accès, ainsi que les étrangers disposant d’un titre de séjour permettant de travailler en France depuis au moins cinq ans. Ce délai est supprimé pour les titulaires d’une carte de résident, les réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire. À noter que les immigrés irréguliers («sans-papiers») ne peuvent y prétendre en aucun cas. Ainsi, contrairement aux idées reçues, tous les étrangers ne bénéficient donc pas du «sésame» dès leur arrivée en France.
Tous les allocataires doivent en outre résider en France «de façon stable», soit au moins neuf mois dans l’année. Le bénéfice du RSA est toujours assorti de strictes mesures d’âge: impossible d’y prétendre avant 25 ans, sauf en cas d’enfant à charge ou de grossesse. Une entorse est toutefois prévue pour ceux qui, âgé de 18 à 25 ans, ont travaillé à temps plein minimum 2 ans pendant les 3 dernières années. Si d’autres aides sociales peuvent être cumulées avec le RSA, les ressources mensuelles de l’allocataire ne doivent pas dépasser un certain plafond de revenu. Le montant de l’allocation varie de 607 euros pour une personne seule à 1276 euros pour un couple avec deux enfants. Selon les dernières données de la Caisse d’allocations familiales, le RSA est versé 1,9 million d’allocataires. De 2015 à 2017, les étrangers extra-européens représentaient entre 14% et 16% des bénéficiaires.
Les plus âgés peuvent bénéficier de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), une prestation mensuelle accordée aux retraités ayant de faibles ressources. Pour en bénéficier, il faut avoir atteint l’âge de 65 ans (ou 62 ans, en cas d’inaptitude au travail) et ne pas bénéficier de plus de 961 euros de ressources mensuelles pour une personne seule. Il est obligatoire de résider en France au moins neuf mois dans l’année, quelle que soit la nationalité de l’allocataire. L’aide est ouverte aux ressortissants de pays étrangers hors Union Européenne et suisses, à condition d’être titulaire d’un titre de séjour depuis au moins dix ans. Là encore, une exception est prévue pour les réfugiés, les apatrides et les étrangers titulaires d’une carte de résident. Dans une étude de 2014, le service statistique du ministère de l’Economie évalue à un tiers la part des étrangers parmi les bénéficiaires de l’Aspa.
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Héritières d’une politique familiale dite «horizontale» – autrement dit, ouverte à tous, sans conditions de revenus – les allocations familiales sont-elles si généreuses en France? La loi prévoit que tous les citoyens français dont le foyer comporte au moins deux enfants de moins de 20 ans peuvent bénéficier des fameuses allocations, le montant varie selon les ressources du foyer et le nombre d’enfants. Comme le souligne la Caf, le versement des allocations familiales est «automatique»: «vous avez automatiquement droit aux allocations familiales dès votre deuxième enfant. Elles sont versées le mois suivant la naissance ou l’accueil de votre enfant», indique la caisse sur son site Internet.
Jusqu’ici, cette «automaticité» valait aussi pour les étrangers, qui pouvaient bénéficier des prestations familiales au même titre que les Français, si tant est que leurs enfants vivent avec eux en France et qu’ils soient nés en France ou arrivés de manière régulière. La nouvelle loi «immigration» adoptée mardi soir par le Sénat et l’Assemblée nationale durcit significativement leur obtention. Si la mesure n’est pas retoquée par le conseil constitutionnel, les prestations familiales ne seront accessibles aux étrangers qu’après cinq ans de présence sur le territoire, délai raccourci à deux ans et demi pour ceux qui travaillent.
Reste que ce tour-de-vis ne s’applique ni aux réfugiés, ni aux titulaires d’une carte de résident de dix ans. Elle ne concernera pas non plus l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). Les demandeurs d’asiles et les sans-papiers demeurent exclus de toutes aides familiales spécifiques.
Disposer d’un logement décent est un droit inscrit dans la loi française depuis 1990. Plus précisément, la loi Besson indique que «toute personne éprouvant des difficultés particulières a droit à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent». En vertu de cet engagement, les aides personnelles ont proliféré depuis les années 70, au point de devenir le premier poste budgétaire de la politique menée par le ministère. Si le logement s’est taillé une place de choix dans les joutes parlementaires de la loi Immigration, il reste difficile de se retrouver: APL, ALS, ALF… Quels en sont les bénéfices et qui y a vraiment droit?
Commençons par l’Aide personnalisée au logement (APL), la plus célèbre de toutes. Pour rappel, cette aide est versée en raison de la situation du logement, quelle que soit la situation familiale (célibataire, marié, avec ou sans personne à charge) ou l’âge. En bénéficier nécessite toutefois d’être locataire d’un logement conventionné et décent en France. Les APL sont aussi conditionnées à de stricts plafonds de ressources, qui varient en fonction de la composition du foyer et du lieu du logement. Viennent ensuite l’Allocation de logement à caractère familial (ALF), versée sous condition de ressources à des familles, des personnes isolées ou de jeunes ménages, à condition qu’ils soient locataires d’un logement meublé. L’Allocation de logement social (ALS) doit enfin pallier les éventuels trous dans la raquette, puisqu’elle est uniquement versée à ceux qui ne peuvent prétendre ni à l’APL, ni à l’ALF.
Les aides aux logements étaient jusqu’ici largement ouvertes aux étrangers réguliers. Ils pouvaient bénéficier de l’APL, de l’ALF, de l’ALS et même demander un logement social et faire valoir leur droit au logement opposable, à l’instar des citoyens Français. La nouvelle loi «Immigration» va significativement changer la donne. Pour peu que les articles en question ne soient pas retoqués par le Conseil Constitutionnel, les aides susnommées ne seront distribuées aux étrangers qu’après cinq ans de présence en France, ou, à défaut, de trois mois de travail dans l’Hexagone. Le droit au logement opposable ne sera possible aux étrangers qu’après cinq ans de présence sur le territoire, ou de deux ans et demi pour ceux qui travaillent.
Une exception est toujours prévue pour les réfugiés et les titulaires d’une carte de résident depuis dix ans: ils conserveront un accès immédiat aux aides et au droit au logement, tout comme les étudiants. À noter que les étrangers disposant d’un titre de séjour peuvent toujours bénéficier de l’hébergement d’urgence, comme les Français. Le temps de leur demande d’asile, les étrangers conservent la possibilité d’être accueillie dans des centres d’accueil (CADA) et au sein d’hébergements d’urgence. À noter qu’à l’aune de la loi «Immigration», les clandestins soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) n’auront plus accès à l’hébergement d’urgence.
Pour leur santé, les Français sont protégés par la Protection universelle maladie (PUMA). Celle-ci donne droit à la prise en charge des frais de santé (part remboursée par la Sécurité sociale), à titre personnel et de manière continue tout au long de la vie. Au même titre que les citoyens français, les étrangers peuvent en bénéficier, avec ou sans emploi. Les bénéficiaires ont seulement l’obligation de résider en France de manière interrompue pendant plus de 3 mois. La PUMA peut-être complétée par la Complémentaire santé solidaire (C2S), si les revenus du foyer sont inférieurs à un certain montant: les frais de santé sont alors pris en charge à 100%. Cette possibilité est également ouverte aux étrangers réguliers après trois mois de présence en France, toujours sous condition de ressources.