Le Figaro Marseille
Le soleil se lève sur Mollégès, petit village provençal caché au milieu des Alpilles, à quelques encablures de Cavaillon. Devant l’église, une poignée de personnes est déjà là, venue braver le froid glacial de ce mercredi de décembre. Les registres de condoléances se remplissent petit à petit devant l’église Saint-Pierre-es-Liens. «Bon souvenir, film super.» «Salut l’artiste !» «On a dansé sur ses mélodies. Il restera dans notre mémoire comme notre crooner préféré. Adieu Monsieur Marchand. » Ce mercredi était célébré dans la commune les obsèques de Guy Marchand, qui avait élu domicile dans ce petit village il y a déjà plusieurs années. L’ancien acteur s’est éteint à Cavaillon le 15 décembre. «Il était très attaché à la commune, confie la maire, Corinne Chabaud. C’était quelqu’un de très accessible, qui mangeait tous les jours au restaurant à Mollégès quand il était encore ouvert. Sa famille fréquentait aussi les commerces du village.»
Martine prend à son tour la plume pour rendre un dernier hommage, dans le cahier de condoléances, à l’interprète de Destinée. «Je n’habite pas très loin d’ici, et nous avons un ami en commun, explique-t-elle. Pour moi, c’était avant tout un crooner avec une voix magnifique. S’il faisait du cinéma, c’était plus pour remplir son frigo ! Je l’ai vu plusieurs fois en concert. J’ai mangé avec lui il y a cinq ou six ans de cela. À la fin du repas, il m’a fait un baisemain. J’ai dit à mes amis que je n’allais plus me laver pendant dix jours ! Guy Marchand, c’était un bon vivant, naturel, qui n’avait pas peur de dire ce qu’il pensait !» «Il était mon frère, et parfois mon père, confie les larmes aux yeux Mickey, son garde du corps pendant 45 ans. C’était un homme avec un cœur gros comme ça. Mais aujourd’hui, c’est une partie de moi qui est partie avec lui.»
Petit à petit, le parvis de l’église se remplit, et le corbillard arrive devant une petite foule d’une centaine de personnes, exclusivement composées d’anonymes et proches du chanteur. «J’ai souvent mangé à Mollégès avec Drucker ou Reno, soupire Michel, un ami de vingt ans de Guy Marchand. Et je vois qu’aujourd’hui, il n’y a personne… Peut-être sont ils malades…. En tout cas, ils ne sont pas là.» «Je suis un peu surpris qu’il n’y ait pas plus de personnes du monde du spectacle, abonde Paul, un autre ami de vingt ans. Après, il est vrai qu’il s’était mis un peu en marge de tout ça.» Le dernier album de Guy Marchand était sorti en 2020. «Et il n’aimait pas les paillettes, ajoute Paul. Il aimait les gens.»
Le cercueil entre dans une église pleine, au son d’un morceau de jazz interprété par les amis et anciens musiciens du chanteur, derrière des porte-drapeaux. La famille a en effet tenu à inviter d’anciens combattants parachutistes, pour mieux rappeler l’attachement de Guy Marchand à l’armée, souvenir de son passé militaire en Algérie. À l’entrée, deux photos du crooner, l’une d’elles le représentant tout sourire derrière une guitare, l’autre, en noir et blanc, immortalisant Guy Marchand sur une moto.
À l’autel, son fils, Jules, étouffe ses larmes. Selon ses dernières volontés, les obsèques de Guy Marchand se voulaient «joyeuses et festives». «Oui, nous ne sommes pas complètement en noir, comme vous pouvez le remarquer, lance-t-il en ravalant ses sanglots. Papa a toujours mis l’accent sur le fait de ne pas avoir un bal des vampires le jour de sa disparition. Il nous a toujours épargné la peine d’aller aux obsèques de ses amis pour les mêmes raisons. Et d’ailleurs, il a toujours préféré leur rendre visite après, ou laisser un dernier message sur le répondeur. Parler simplement à un pote en lui souhaitant bon voyage.»
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Malgré tout, l’émotion se fait plus forte au fur et à mesure de la cérémonie. «J’aime profondément mon père. Cette sensibilité qu’il pouvait avoir sur les choses le rend incroyable. Il pouvait donner l’impression de se foutre de tout. Mais, en fait, il s’inquiétait énormément. Papa, je garderais en moi tout ce que tu m’as appris. Bon vent, Papa. Je te souhaite bon voyage.»
Le gendre de Guy Marchand salue à son tour «un artiste, un crooner, un saltimbanque, un aventurier ainsi qu’un père et un grand-père» : «lui qui a vécu toute sa vie avec un panache inégalé sans jamais se prendre au sérieux. Que toutes ses mélodies continuent de vibrer en nous.»
À l’issue d’une cérémonie sobre, le cercueil sort de l’église au son de Fly me to the Moon et Besame Mucho. Sur le parvis, une vague d’applaudissements accueille le corbillard, et la foule se dirige dans un bar du village, où la famille a invité les proches à «boire un coup, manger et écouter ses musiciens». Comme un écho à une autre fête qu’imagine le gendre de Guy Marchand. Une fête qui viendrait de commencer, durant laquelle Guy Marchand serait accueilli à la porte du paradis par ses amis «Johnny, Serrault, Belmondo». «Pas de doute que ça va être un sacré bazar là-haut.»