«Personnage extravagant et rabelaisien», «gloire nationale» ou «monstre» ? La presse étrangère a rapporté en des termes souvent différents la polémique autour de l’acteur internationalement reconnu Gérard Depardieu. Icône du cinéma français, aussi bien dans l’Hexagone qu’à l’étranger, le comédien est au cœur d’une nouvelle controverse après la diffusion d’un numéro de l’émission Complément d’enquête dans lequel on le voit tenir des propos obscènes à l’égard des femmes ainsi que d’une fillette en Corée du Nord en 2019.
Après Emmanuel Macron qui a pris sa défense en dénonçant «une chasse à l’homme», une cinquantaine de personnalités du monde de la culture ont défendu à leur tour «le dernier monstre sacré du cinéma» contre le «lynchage» au mépris de «la présomption d’innocence».
Publiée dans nos colonnes, cette tribune serait, pour le New York Times, «un signe supplémentaire de la réaction compliquée au mouvement
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Sur la même ligne, le quotidien espagnol El País juge que ce feuilleton polémique révèle avant tout une «connivence entre la société et celui qui était considéré comme l’une de ses gloires nationales, au milieu du silence de l’immense majorité du cinéma français». Moins sévère, le quotidien catalan El Periodico analyse avant tout une certaine «indulgence» dont a bénéficié l’acteur pendant des décennies, «grâce avant tout au personnage extravagant et rabelaisien qu’il s’était créé».
La tribune qui défend l’acteur révèle aussi «la ligne de fracture qui secoue la scène culturelle française depuis des années autour du débat sur la séparation entre certains hommes et leur œuvre», estime nos confrères suisses du quotidien Le Temps . «Plusieurs affaires, impliquant des personnalités du cinéma accusées de violences sexuelles avaient déjà suscité des réactions similaires, d’aucuns venant à leur défense au nom de leur qualité d’artiste, et d’autres, dont la grande majorité des nouvelles générations d’acteurs et de réalisateurs, se révoltant de la visibilité et du crédit qui continuent de leur être accordés», rapporte le journal.
Le cas Depardieu «creuse un peu plus le gouffre qui sépare deux visions des violences sexistes et sexuelles en France», juge pour sa part Le Soir, et «cristallise toute l’ambivalence d’une partie de la société française – du monde culturel au monde politique – quand il s’agit des violences faites aux femmes». «C’était sans compter le soutien inattendu et très décrié du chef de l’État Emmanuel Macron», poursuit le quotidien belge qui conclut son article en qualifiant d’«irréconciliable» les deux camps. «Le monde du septième art français est de plus en plus divisé», abonde le journal italien La Stampa.
Le journal conservateur The Times constate pour sa part que les «gros titres des journaux français se lisent comme des nécrologies» confrontant l’acteur à la fin, pour de bon, de sa carrière. Le quotidien britannique analyse ensuite la lente chute de «l’un des acteurs français les plus prolifiques mais aussi des plus controversés» en rappelant factuellement toutes les accusations dont souffre l’acteur, notamment celle de viol contre l’actrice Charlotte Arnoult qui a porté plainte, que l’acteur a démenti en octobre dans les colonnes du Figaro.
En Russie, dont l’acteur est «citoyen» depuis 2013, la presse s’est aussi fait le relais de la controverse de ces dernières semaines, mais sous un autre angle : celui de l’anniversaire de l’acteur qui fête ce mercredi ses 75 ans. Dans un article intitulé «Du pauvre voyou au héros des scandales», la Gazeta revient sur la filmographie de l’acteur et constate qu’après les accusations de «harcèlement» de plusieurs femmes que l’artiste «nie lui-même», «Emmanuel Macron et 50 autres personnalités culturelles françaises ont appelé en décembre à mettre fin au harcèlement public».
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«Surtout connu pour sa citoyenneté russe obtenue il y a 10 ans», Gérard Depardieu «a failli tomber sous le rouleau compresseur de la Cancel Culture», écrit de son côté le journal Argoumenty i Fakty. Le média se contente ensuite de retracer la carrière de l’acteur, évoquant le premier film diffusé en URSS , Deux hommes dans la ville, avec Alain Delon et Jean Gabin, et louant «les œuvres formidables et mémorables» et la grande diversité de ses rôles.
Depardieu, malgré «sa fantastique grossièreté», a su interpréter Jean Racine, d’Alfred de Musset, d’Albert Camus, souligne de son côté Komsomolskaïa Pravda qui revient aussi sur les nombreuses polémiques autour du «vin», de la «nourriture» et des «femmes», évoquant les accusations de 13 femmes au printemps dernier et la dernière controverse suite à la diffusion du numéro de Complément d’enquête. «La France est habituée depuis longtemps à de telles nouvelles, et Depardieu est toujours pour ses compatriotes un monstre qui reste sacré».