«On sort crevés de la séquence», confie le député écologiste Benjamin Lucas. Le tourbillon du projet de loi immigration, voté le 19 décembre, a laissé derrière lui des élus essorés, qui accueillent avec soulagement la trêve des fêtes de fin d’année. «J’ai été exclusivement à l’Assemblée nationale pendant plus d’un mois. Mais en réalité ça a été un an de boulot, des dizaines d’heures d’audition, une vingtaine de déplacements…», retrace celui qui a victorieusement défendu la motion de rejet du texte immigration. Tirant parti du vide calendaire au Palais Bourbon, Benjamin Lucas veut «prendre du recul» avant de se relancer à la rentrée dans l’arène, non pas de l’Assemblée, mais du «terrain», dans sa circonscription des Yvelines.
La vague d’épuisement a également emporté les élus de la majorité présidentielle, sortie considérablement affaiblie de la séquence immigration. Vice-présidente de la commission des Lois, «très intense» lors de l’examen du texte, la députée Renaissance Caroline Abadie n’a pas échappé au surmenage général : «Le silence et la déconnexion font beaucoup de bien. On en avait grand besoin.» Empêtrées dans le casse-tête d’une majorité relative, les troupes macronistes ont dû céder aux exigences de Républicains intraitables sur l’immigration. Un virage à droite qui a fracturé le camp présidentiel, poussant un député macroniste sur quatre à ne pas voter en faveur de la loi et provoquant la démission du ministre de la Santé Aurélien Rousseau. Caroline Abadie l’admet : «C’est fatigant d’être en majorité relative» Avant de tempérer : «Pour autant, intellectuellement je trouve ça plus intéressant. Et c’est le vœu des Français donc on le prend comme tel.» Face aux risques de délitement et d’immobilisme, la députée se veut confiante : «La motivation est intacte. On n’a pas traversé cette période-là pour s’arrêter ici.»
Au Rassemblement national (RN), où l’adoption de la loi immigration acte l’inscription de la «préférence nationale» dans la loi française, on revendique une «victoire idéologique». «Globalement, l’état d’esprit et le moral sont très bons», indique le porte-parole du RN Laurent Jacobelli. S’il explique avoir pris quelques jours de repos, le député de la Moselle l’assure : «Je continue à travailler.» Même ambiance de travail en Gironde, chez sa collègue mariniste Edwige Diaz : «Je ne suis pas en vacances.» Rapporteuse du texte immigration pour le groupe RN aux côtés de Yoann Gillet, elle assure avoir échappé au coup de fatigue parlementaire : «Nous sommes des députés endurants et expérimentés. On a l’habitude, donc je ne suis pas rincée.» Et de lancer : «Les macronistes le sont beaucoup plus que nous», en référence au «sentiment de gueule de bois» du président de la commission des Lois Renaissance Sacha Houlié. Une preuve selon la députée que «Marine Le Pen ne s’est pas loupée» en nommant les deux élus rapporteurs du texte.
La même énergie semble animer Les Républicains (LR), revigorés après avoir fait plier le gouvernement sur le projet de loi immigration. Membre de la très restreinte commission mixte paritaire, qui a débouché sur la rédaction commune d’un texte, la députée LR Annie Genevard souligne l’«excellent» état d’esprit du groupe. La secrétaire générale du parti balaie d’un revers de main tout soupçon de fatigue : «J’ai une bonne constitution donc je sais résister à des jours de débats, à de longues soirées et aux levers matinaux.» De retour dans le Doubs, l’élue profite d’une «trêve de Noël» toute relative. «Ce n’est jamais le repos total quand on est député. Une part de notre activité est locale, indique-t-elle avant de détailler son programme. Je reçois des mails et des demandes d’intervention tous les jours. La semaine prochaine je fais quelques visites d’entreprises et je vais visiter un élu.»
En «semi-repos», le frontiste Laurent Jacobelli s’active quant à lui sur les plateaux télévisés, désertés par la classe politique en cette période de fêtes. Après un passage sur Franceinfo mercredi, le député de la Moselle a réitéré ce vendredi sur France Inter. La même semaine, son collègue de l’Yonne Julien Odoul était l’invité de CNews et Europe 1 tandis que la venue du mariniste Thomas Ménagé sur France Inter jeudi s’est vue annuler à la dernière minute après le décès de Jacques Delors. Une forte présence médiatique du Rassemblement national qui n’est «pas une contrainte ou une demande de Marine» soutient Edwige Diaz. «C’est un genre de permanence qui se fait en bonne intelligence», explique-t-elle. Continuant de mener la bataille de l’immigration, les représentants du parti à la flamme se disent toutefois «très vigilants» après la saisine du Conseil Constitutionnel par Emmanuel Macron.