Coups de cœur
En 2011, après deux Ligues des champions en trois ans avec le Barça, Pep Guardiola était le meilleur entraîneur du monde, voué à empiler les succès européens. Il a dû attendre douze ans, un samedi soir de juin 2023 à Istanbul, pour retrouver les étoiles. Manchester City a enfin décroché sa Ligue des champions, aux dépens de l’Inter Milan en finale (1-0), tout en conservant son titre en Angleterre. Et sans renoncer à la qualité de son football, sublimé cette fois par la machine à buts Erling Haaland. «Nous avons réussi à gagner en Europe, en souffrant, mais c’est normal. Parfois, vous avez besoin de cette chance que nous n’avons pas eue dans le passé», a savouré Guardiola, au club depuis 2016, qui ne se «souvien(t) pas d’un match où (il n’a) pas dit à (ses) joueurs de ne pas presser quand l’adversaire a le ballon, ou de ne pas essayer de construire (nos) actions du mieux possible». Éloge de la patience et de la confiance en des principes adoubés de tous.
Il a 20 ans, une belle gueule, un style de folie et c’est déjà la future star du football mondial. En débarquant au Real Madrid l’été dernier contre 103 millions d’euros, personne n’aurait pensé entrevoir une première partie de saison aussi folle de l’international anglais. De bonne facture oui, au regard des standards qu’il avait déjà à Dortmund, mais Bellingham a fait encore mieux et se retrouve même en Ballon d’Or 2024 potentiel. Avec 14 buts pour ses 15 premiers matches sous ses nouvelles couleurs -c’est mieux que les légendes Alfredo Di Stefano et Cristiano Ronaldo- il a rapidement donné le ton. Surtout… qu’il est milieu de terrain. A Madrid, tout le monde rêve de lui. Zidane, Ronaldo, Ancelotti, les supporters, les médias… Tous sont en extase devant ce mélange de talent, puissance et de classe. Vivement 2024. Avec Bellingham, le football a une autre saveur.
C’est ce qui s’appelle affoler les compteurs. Cette saison, entre la Bundesliga, la Coupe d’Allemagne et la Ligue Europa, le Bayer Leverkusen a inscrit 81 buts en 25 matches, soit 3,2 buts/match. C’est un but de plus par rencontre que Manchester City. Les Schwarzroten (Noir et Rouge), invaincus, n’ont rien d’un tube de l’été, ni de l’automne. L’entraîneur Xabi Alonso a construit une équipe à l’image du joueur qu’il était, technique, tournée vers le collectif et portée vers l’avant, symbolisée par la recrue Alejandro Grimaldo, latéral gauche aux 9 buts cette saison. Alonso, ancien milieu de classe mondiale, insiste moins sur la possession du ballon et plus sur «le changement de tempo pour passer derrière le milieu de terrain adverse», expliquait-il à l’AFP. Il a aussi insufflé une force mentale qui surprend outre-Rhin, avec des nerfs d’acier sur les fins de matches. Jamais les billets de la BayArena (30.000 places) ne se sont autant arrachés qu’aujourd’hui. Et jamais le titre de champion d’Allemagne du Bayern, actuel dauphin au classement, n’a semblé aussi fragile.
Le Stade de Reims n’en espérait pas tant. En octobre 2022, les Rouge et Blanc ont misé sur Will Still pour succéder à Óscar García. Un pari gagnant puisque le Belge a totalement convaincu, concluant la saison 2022-2023 à une encourageante 11e place avec une série de 17 matches sans revers et un style de jeu aussi marqué que plaisant. Et dans cette première partie d’exercice 2023-2024, l’entraîneur âgé de 31 ans a fait mieux puisqu’à la trêve les Rémois occupent la 8e position du classement, à seulement quelques points de l’Europe. Impressionnant.
C’est l’une des plus grandes surprises des grands championnats européens. À la mi-saison, Aston Villa rivalise avec les meilleures formations de Premier League et s’affirme légitimement comme l’un des prétendants au podium…voire mieux. Cette (belle) surprise, les Villans la doivent en grande partie à Unai Emery. Arrivé à Birmingham en novembre 2022, l’Espagnol a rapidement su imposer son style fondé sur l’intensité et la verticalité pour relever les Lions, puis leur faire passer un cap. Il prouve – ou rappelle – ainsi qu’il n’est pas seulement un spécialiste de la Ligue Europa.
En Espagne, c’est un club catalan qui termine l’année 2e de Liga à égalité de points avec le Real Madrid. Mais ce n’est pas celui que le pays attendait. Plus fort que le FC Barcelone et les deux ogres de Madrid, le Real et l’Atlético, le Girona FC a réalisé une première partie de saison exceptionnelle. Meilleure, bien meilleure que l’objectif initial de maintien en Liga. Cette équipe spectaculaire et offensive coachée par Michel (à ne pas confondre avec l’ancien entraîneur de l’OM) fait la fierté du City Football Group. Le propriétaire de Manchester City, mais aussi de douze autres clubs dans le monde dont le Palerme et Troyes, a fait rentrer Gérone dans son giron en 2017, à parts égales avec… le frère de Pep Guardiola. Promus en première division pour la première fois de leur histoire en 2017, les Blanquivermells ont été relégués en 2019 avant de remonter l’année dernière. La meilleure attaque du championnat peut désormais rêver plus grand.
Coups de griffes
On a beau avoir fait les plus grandes études, posséder un CV long comme le bras ou parcourir le monde en échangeant avec les plus grands responsables de la planète, cela n’octroie pas une qualité simple qui est de rester en phase avec la réalité. La Fédération internationale de football (Fifa) et son président, Gianni Infantino, le démontrent une nouvelle fois préférant rester fidèle à la cupidité et au calcul politique. Dans son choix du « toujours plus » de matchs, d’équipes, de compétitions, d’argent, de bénéfices, l’instance internationale a franchi un nouveau palier avec l’organisation de la Coupe du monde 2030. La plus grande des compétitions du sport numéro un de la planète aura ainsi lieu… sur trois continents et six pays. La candidature du Portugal, de l’Espagne et du Maroc a été retenue, mais la Fifa, pour faire honneur à son histoire et au centenaire d’un premier Mondial disputé en Uruguay en 1930 (avec 13 équipes dans une même ville hôte), a tenu à organiser une rencontre dans ce pays, ainsi que deux autres en Argentine et au Paraguay. La proximité des six pays concernés ne saute pas aux yeux, peu importe. Que ce soit les entraîneurs ou les joueurs, tous tirent la sonnette d’alarme ces dernières années sur la multiplication des compétitions, des rencontres et des blessures. En vain. La Fifa s’en contrefiche. Totalement déconnectée de la réalité. Sa marque de fabrique.
Que celui qui n’a jamais laissé l’argent orienter ses choix professionnels jette la première pierre à Karim Benzema, N’Golo Kanté, Malcom, Neymar, Sadio Mané, Edouard Mendy et à tous ces footballeurs partis rejoindre l’Arabie saoudite l’été dernier contre un salaire (très) élevé. Mais le mercato 2023 de la Saudi Pro League, qui restera assurément comme l’un des plus marquants de l’histoire, a de quoi alarmer. D’abord par les sommes folles investies – plus de 800 millions d’euros, soit 14% des dépenses totales du marché selon une étude de la FIFA – par un championnat encore mineur, du moins appartenant à une confédération autre que l’UEFA. Ensuite par la liste impressionnante de grands noms attirés par Al-Hilal, Al-Ahli, Al-Ittihad ou Al-Nassr, pour certains encore en pleine possession de leurs moyens. Une vaste fuite de talents que les écuries européennes ne peuvent que déplorer.
Voilà un vilain personnage de moins dans le monde du ballon rond. Le 30 octobre dernier, la Fifa a suspendu Luis Rubiales, ancien président de la Fédération espagnole de football (RFEF), de «toute activité liée au football au niveau national et international». Un mois et demi plus tôt, l’Espagnol avait démissionné de la RFEF qu’il présidait depuis 2018. Il avait cédé à la pression suite à la polémique du baiser forcé de sa part envers la joueuse Jenni Hermoso, tout juste sacrée championne du monde avec la Roja. Rubiales a ensuite menti, tenté de noyer le poisson, fait pression sur Hermoso et son entourage. Il s’est dit victime d’un «faux féminisme». Problème pour lui : l’Espagne est à la pointe du traitement des violences sexistes et sexuelles et n’ignore pas les casseroles que traîne son football dans son traitement des femmes. Plusieurs vedettes de la Roja sont allées jusqu’à refuser de jouer le Mondial pour dénoncer, déjà, les façons de faire de la fédération. Ça n’a pas empêché 23 Espagnoles de remporter le graal. On préfère retenir ça.
Sur le terrain, Lionel Messi ne manque (absolument) pas d’élégance. En dehors, c’est peut-être moins le cas comme l’illustre son ingratitude en quittant le Paris SG. Peu loquace durant ses deux années passées chez les Rouge et Bleu, la «Pulga» a répété à plusieurs reprises y avoir vécu «deux ans difficiles». Des propos qui sont restés au travers de la gorge des supporters parisiens – (déjà) souvent déçus par son rendement sur le terrain – et qui ont donné l’impression que son arrivée dans la capitale française était (uniquement) un choix par défaut…
Une situation inhabituelle qui pourrait créer un précédent. En février dernier, certaines cadres de l’Équipe de France féminine – Wendie Renard, Marie-Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani – se sont mises en retrait des Bleues, dénonçant le «système actuel» et réclamant des «changements profonds»…Comprenez : le départ de la sélectionneuse Corinne Diacre, en conflit avec plusieurs joueuses. Et elles ont eu gain de cause puisque quelques jours plus tard, la FFF a mis fin à son contrat…à seulement quelques semaines du Mondial 2023. C’est le très apprécié Hervé Renard qui lui a succédé.
«La Liga espagnole a un problème avec le racisme. Et le problème, ce n’est pas Vinicius Jr. Il est la victime», assurait Carlo Ancelotti en mai dernier à la suite des insultes racistes visant le Brésilien sur la pelouse du Valence CF. L’entraîneur italien du Real Madrid avait raison puisque malgré l’ouverture d’une enquête après ces faits aussi répréhensibles que nauséabonds, le virevoltant attaquant des Merengue s’est plaint à plusieurs reprises d’autres insultes à caractère raciste lors de matches du championnat d’Espagne en 2023. On espère vivement que l’année 2024 sera différente…