L’année 2023 s’est écoulée, refermant avec elle un chapelet impressionnant de fouilles archéologiques et de découvertes scientifiques. Et quel millésime ! Les opérations de prestige se portent toujours bien, comme l’ont une fois encore illustré les trouvailles d’Égypte et de Pompéi ou encore, en France, les fouilles remarquables menées dans les entrailles de la basilique de Saint-Denis. La sortie du cinquième film de la saga Indiana Jones a également été l’occasion de présenter au grand public une version fantasmée de la machine d’Anticythère, mais aussi de rappeler la différence entre pillage et archéologie, ainsi que la réalité beaucoup moins glamour du métier.

Mais que retenir de toutes ces actualités à sensation, déclarations tonitruantes et autres opérations de l’an passé ? Le Figaro a fouillé, à son tour, dans les archives de ces derniers mois et sélectionné cinq découvertes parmi les plus remarquables de 2023.

Il y a du nouveau dans l’un des premiers sanctuaires de l’histoire. Un relief animalier a été mis au jour cet été à Göbekli Tepe, en Turquie. Plus ancien temple monumental connu, ce site édifié à partir de la fin du Xᵉ millénaire avant notre ère est réputé pour ses impressionnantes stèles dressées et ses reliefs, animaliers comme symboliques. Soit un ensemble au caractère encore mal compris, mystérieux, où chaque découverte apporte du nouveau grain à moudre aux spécialistes. Les chercheurs de l’Institut archéologique allemand n’ont donc pas caché leur joie en annonçant avoir exhumé la sculpture d’un petit sanglier au pied d’une nouvelle stèle, sur une corniche elle-même décorée d’un serpent, d’un croissant de lune et de têtes humaines. Ce relief autrefois polychrome a pu être daté du IXe millénaire av. J.-C.

Non moins extraordinaire est la découverte quasi concomitante d’une statue anthropomorphe colossale sur le site voisin de Karahan Tepe, fouillé par l’université d’Istanbul. Haute de 2,3 mètres, elle représente un personnage barbu, le sexe en érection entre ses mains. Faut-il voir en cette singulière figure – retrouvée brisée – un dieu néolithique de la fertilité, ou quelque autre «monstre sacré» de la fin de l’âge de pierre ? Le mystère reste à trancher.

Le patient travail de réhabilitation des Néandertaliens se poursuit. Débarrassé des clichés qui le réduisaient à un hominidé rustaud, l’Homme de Néandertal apparaît aujourd’hui comme un égal d’Homo sapiens , que ce soit dans ses capacités cognitives, sa maîtrise technique, sa pratique de l’inhumation ou encore, plus récemment découvert, dans sa sensibilité esthétique. Pour preuve, les gravures rupestres datées d’il y a 57.000 ans tout juste étudiées : oui, décidément, Néandertal était, lui aussi, un artiste.

Publiée l’été dernier, une étude internationale a démontré que les gravures de la grotte de la Roche-Cotard, en Touraine, précédaient de près de 20.000 ans celles laissées par Homo sapiens dans la grotte Chauvet – et seraient par conséquent les plus anciennes productions artistiques de Néandertal en Europe, voire au monde. Les mauvaises langues diront que ces tracés pariétaux, longtemps passés inaperçus, n’ont pas le charme des peintures polychromes des plus belles grottes ornées. Mais des millénaires séparent ces tracés ondulants, ces lignes courbes et ces sillons des fauves et gibiers que le grand public admire tant.

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Les grands sites palafittiques des Alpes ont du souci à se faire. Ces villages lacustres du IVe millénaire avant notre ère, qui font la fierté des vallées suisses, ne sont finalement pas les plus anciens centres de peuplement de ce type sur le continent européen. Les analyses réalisées à Berne sont implacables : des maisons sur pilotis découvertes en Albanie ont pu être assez finement datées de 6000 à 5800 avant J.-C. Soit près de deux millénaires avant les plus anciennes bâtisses palafittiques alpines. Et 4000 ans avant les grandes pyramides égyptiennes.

Des vestiges bien conservés de pieux ont permis de réaliser des examens au carbone 14. La matière ne manque pas. Plus d’une centaine de ces fragiles fragments ont été découverts au large de la péninsule de Lin, le long de la partie albanaise du lac d’Ohird, à cheval sur la frontière avec la Macédoine du Nord. Quelques centaines d’habitants pourraient avoir occupé ce site sans doute fortifié qui continue de faire l’objet de prospections sous-marines.

Le théâtre de Néron refait enfin surface à Rome, après deux millénaires. Évoqué par plusieurs historiens romains étonnés par le luxe indécent du bâtiment, ce monument public hérissé de colonnes plaquées de feuilles d’or et de somptueux ornements de marbre reposait cinq mètres sous la cour du Palazzo della Rovere, très chic demeure de la Renaissance située à deux pas de la place Saint-Pierre.

Discrètement fouillé depuis 2020, le site n’a été dévoilé au public qu’en août 2023, pour des raisons de sécurité. Les archéologues italiens ont enfin pu présenter le fruit de leurs travaux, en levant le voile sur les gradins semi-circulaires, les colonnes effondrées, les murs peints et les parements de briques polychromes – en filet de pêche- exhumés du théâtre. Un édifice à la hauteur de la réputation sulfureuse de son commanditaire. Quant au Palazzo della Rovere, il poursuit sa transformation en hôtel. De luxe, évidemment.

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Étudier les silex est bien commode compte tenu de la bonne conservation des roches sur le temps long. Étudier les bois anciens, en revanche, voilà une tâche monstrueuse. Ce matériau organique ne partage pas la patience de la pierre. Putrescible, il se tourne en poussière en un claquement de siècles et ne laisse derrière lui, la plupart du temps, que des empreintes comme celles des trous de poteaux. La conservation du bois est cependant possible dans certaines conditions, notamment lorsqu’il est immergé. Ce fut le cas près des chutes de la rivière Kalambo, en Zambie. Une structure en bois, de deux rondins emboîtés, y a été datée de 476.000 ans. Soit avant l’apparition de l’homme moderne.

En plus de cet imposant poutrage, quelques outils en bois ont également été exhumés sur le site par les archéologues. L’ensemble indiquerait qu’une très ancienne plateforme avait été bâtie en cet endroit, peut-être un passage ou une habitation. La chronologie, cependant, donne le tournis, les plus anciennes constructions en bois connues à ce jour ayant été datées de 9000 ans « seulement ». Les prochaines fouilles le long de la rivière Kalambo livreront-elles de nouvelles pièces de cette tempe ? Les chercheurs touchent du bois.