Envoyé spécial à Brest

Il est 10h00 dimanche lorsque le géant des mers de 32 mètres Adagio, amarré depuis plusieurs jours au quai du Commandant Malbert à Brest, largue les amarres sous un soleil éclatant. Eric Peron est ovationné par les milliers de personnes massées au village départ. D’autres ont pris d’assaut la digue pour voir passer un peu plus loin les héros de l’Arkea Ultim Challenge. Le marin tout de rouge vêtu, bonnet sur la tête et les yeux embués, salue le public, les bras levés. Quelques instants auparavant, il a profité jusqu’au bout de la présence de sa femme Bérénice pour qui le départ est une déchirure. Le couple est resté isolé, enlacé à l’avant du bateau alors que leur puce de 19 mois Capucine, insouciante, gambadait en rebondissant sur les filets du trimaran Ultim. Le Breton a été le premier à quitter le port, trois heures trente avant le coup de canon donnant le départ de 45 jours de mer, si les prévisions sont respectées.

Quelques instants plus tard, Charles Caudrelier s’en est allé à son tour. Il est descendu de son engin pour saluer une dernière fois ses proches sous le regard d’Olivier de Kersauson, sur le ponton, et de son papa. Peu de mots sont échangés mais les regards parlent d’eux-mêmes. Il y a de la joie de voir partir le fils mais aussi un peu d’inquiétude. « J’espère le revoir le plus vite possible dans quarante jours», sourit le papa qui prendra un bateau pour un ultime au revoir sur la ligne avant le vrai départ.

Le skipper du trimaran Edmond de Rothschild a été suivi d’Anthony Marchand, calé à l’arrière du trimaran Actual, lui aussi chaleureusement applaudi par la foule. Quatrième à s’élancer, Tom Laperche n’a pu dissimuler son flot d’émotions, submergé par les larmes comme la veille lorsqu’il est arrivé au port de Brest, dans l’après-midi, après avoir réparé son bateau in extremis à la base de Lorient. Le plus jeune concurrent de ce tour du monde (26 ans) sourit mais les yeux sont rouges. François Gabart, ancien skipper du trimaran, est derrière lui pour organiser le départ en mer de SVR Lazartigue et veiller à ce que les manœuvres se passent sans encombres. Quelques minutes auparavant, Laperche était allé saluer ses concurrents pour leur souhaiter bonne chance et bon vent surtout. Thomas Coville, le plus âgé des marins au départ (55 ans) l’avait pris dans les bras en le serrant fort. Ils seront adversaires autour du globe mais les deux hommes sont très proches à terre. Lorsque Coville lui avait glissé quelques mots à l’oreille et Laperche avait craqué. Une scène émouvante, une de plus pour ces aventuriers se jetant dans l’inconnu.

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Communicatif et toujours aussi démonstratif, Coville a, lui, pris le temps de lâcher quelques mots avant que Sodebo ne quitte son emplacement. «C’est le jour J mais il va y en avoir 45 ! », dit-il en riant. «C’est nerveux», ajoute-t-il le visage rayonnant de joie. Des tours du monde, il en compte huit sur son CV. Le marin a donc l’habitude des départs mais chaque envol reste un moment particulier. Une délivrance quelque part. Denis Brogniart, son ami, est là aussi, au premier rang sur le ponton. L’animateur participe volontiers au clapping initié et réussi par le navigateur dont l’émotion irradie le ponton.

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Armel Le Cléac’h a fermé le bal des départs après avoir déambulé sur le ponton, à 10h27. Il a effectué quelques pas pour le tournage d’une télé avant de monter à bord de son engin volant. «C’est un perfectionniste absolu, il faut que tout soit calé à la seconde près mais tout s’est bien passé ce matin», nous glisse son entourage. Le vainqueur de la Transat Jacques Vabre en novembre dernier fait partie des grands favoris de la course. Il a plaisanté une dernière fois avec ses proches, tapé dans quelques mains et s’est éloigné à son tour sous un tonnerre d’applaudissements et les bras levés, comme tous les copains navigateurs avant lui d’ailleurs. Avec l’espérance, sans doute, de rejouer la scène en vainqueur, fin février, toujours à Brest.

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