Boeing ne parvient pas à tourner la page des problèmes de conception et de fabrication de son modèle 737 Max. Le régulateur américain a cloué au sol samedi 171 de ces appareils, dans leur version 9. Des inspections d’urgence ont été ordonnées par la Federal Aviation Administration (FAA). La décision intervient après qu’un morceau du fuselage d’un tel appareil, exploité par Alaska Airlines, comprenant un élément recouvrant l’emplacement d’une porte d’évacuation d’urgence, s’est détaché en plein vol à 16.000 pieds, vingt minutes après son décollage, vendredi, de Portland (Oregon).

L’avion, en service depuis seulement huit semaines, a certes fait demi-tour et a pu atterrir en urgence, sans que l’on déplore de victimes. Mais les images, filmées par les passagers, du trou béant laissé par l’incident, sont choquantes. Par chance, personne n’était assis à proximité immédiate de la porte inactivée. Une partie du siège attenant au fuselage a toutefois été emportée. 171 passagers et un équipage de 6 personnes se trouvaient à bord. «Nous avons beaucoup, beaucoup de chance que cela ne se soit pas terminé de manière plus tragique», résume Jennifer Homendy, présidente du National Transportation Safety Board (NTSB), bureau fédéral américain des accidents de transport, chargé de l’enquête.

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La documentation de maintenance, les données relatives à la pressurisation de la cabine et les composants du panneau qui bouchait l’emplacement de la porte figurent au cœur de l’investigation du NTSB. Le bureau demande d’ailleurs l’aide du public pour localiser l’élément en forme de porte qui a dû tomber dans la banlieue ouest de Portland. Quelque 220 Boeing 737 Max 9 ont été livrés à ce jour, sur un total de près de 1 400 appareils 737 Max en service. Le Max 9 peut transporter jusqu’à 215 passagers. Il est donc un peu plus long que le 737 Max 8, impliqué dans deux catastrophes successives, en 2018 et 2019, qui ont coûté la vie à 346 personnes, et déclenché une interdiction de vol pendant près de deux ans.

La famille du 737 Max est la plus vendue de la gamme de Boeing. Le carnet de commandes dépasse 5 900 exemplaires. Le monocouloir est le rival direct de l’Airbus A320 Neo. United et Alaska Airlines sont les seuls exploitants américains de sa version 9. Aeroméxico, la compagnie panaméenne Copa Airlines et Turkish Airlines font partie des autres compagnies qui utilisent le 737 Max 9. Le modèle est équipé d’un fuselage modulaire, fabriqué par Spirit AeroSystems, sous-traitant aujourd’hui sur la sellette. Le système permet aux compagnies d’installer ou non des portes d’évacuation d’urgence, suivant la configuration de la cabine et le nombre de passagers désirés. L’affaire intervient après une série d’anomalies qui ont suspendu la production du 737 Max au cours de l’été dernier. Il a fallu ainsi vérifier des trous mal perforés dans le fuselage.

Le mois dernier, Boeing a en outre demandé à ses clients de s’assurer que des pièces ne s’étaient pas desserrées dans le système de contrôle du gouvernail. Ces problèmes techniques sont très médiatisés depuis les tragédies de 2018 en Indonésie et de 2019 en Éthiopie, liées au système automatique censé empêcher l’avion de piquer (MCAS). Les catastrophes ont tourné au scandale lorsque les enquêtes multiples des régulateurs et du Congrès ont mis en lumière des tricheries de Boeing au cours du processus de certification du 737 Max. L’avionneur a dû limoger son patron, Dennis A. Muilenburg en 2019, et verser 2,5 milliards de dollars en 2021 au Département de la justice pour mettre un terme aux poursuites pénales. La mise au point et la certification d’un nouveau système MCAS ont pris vingt mois. L’avion n’a pu reprendre du service qu’en décembre 2020. Le coût financier du scandale pour Boeing dépasse 20 milliards de dollars.