«Si vous pensiez qu’il s’agissait d’une vague d’IA (intelligence artificielle) l’année dernière, ce sera un tsunami cette année.» En une phrase dans le magazine américain Wired, Anshel Sag, analyste chez Moor Insights
Voitures, machines à laver, écouteurs, smartphones, appareils photos, haut-parleurs, engins de mobilité, appareils médicaux, téléviseurs… Tous les constructeurs de ces équipements veulent surfer sur la dynamique entamée en novembre 2022 avec la rupture technologique qu’a constituée la sortie de ChatGPT. Un séisme dont l’édition précédente du CES, qui s’était tenue un mois plus tard, n’avait guère pu absorber la magnitude. Pas moins de 130.000 curieux sont ainsi attendus dans les travées des hôtels et du centre des expositions de Las Vegas du 9 au 12 janvier. L’attente se mesure aussi à la venue des géants comme Amazon, Microsoft, Google, Intel, Samsung, LG, Sony, Mercedes Benz, BMW, Honda, qui ont annoncé leur présence sur place et redoubleront d’annonces sur l’IA.
«Des grands fabricants de puces aux marques d’appareils ménagers ou médicaux, le thème principal sera la façon dont l’IA peut offrir de nouvelles expériences pour les consommateurs» , prédit Thomas Husson, analyste principal et vice-président du cabinet Forrester. L’enjeu, pour les fabricants, consiste notamment à embarquer cette intelligence artificielle directement dans les appareils (Edge AI), alors qu’elle est aujourd’hui utilisée plutôt au travers de requête faite dans le cloud et ses data centers, très énergivores. «L’IA dite en local permet de diminuer la puissance de calcul (par rapport à une requête dans le cloud, NDLR), et donc la consommation. Elle permet la baisse de latence (temps de transmission) et donc de nouveaux usages associés, et maximise la sécurité des données», indique Steve Babureck, directeur de la stratégie du français Soitec.
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Les smartphones font partie des candidats naturels à accueillir l’IA embarquée. Celle-ci permettra d’améliorer les capacités des appareils photo, les fonctionnalités de gaming, de réalité augmentée voire de traduction en temps réel et de génération d’image et de texte sans avoir toujours besoin de connexion. «C’est l’équivalent de Siri sous stéroïdes», insiste Steve Babureck. Mais faute d’annonce majeure de la part des fabricants de téléphones lors du CES, c’est toute l’industrie électronique au sens large qui va tenter de tirer la couverture à elle. À commencer par les fabricants de PC, qui dopent tous leurs modèles avec des puces de plus en plus puissantes permettant les usages de l’IA. Les casques et lunettes de réalité virtuelle et de réalité augmentée promettent, eux, des expériences toujours plus immersives.
Dans la robotique et l’électroménager, par exemple, les fabricants ne promettent rien de moins qu’une nouvelle ère dans la relation entre la machine et l’homme grâce notamment à des assistants toujours plus intelligents. Tel LG, qui va présenter son robot Smart Home AI, un androïde qui se déplace de manière autonome dans la maison pour des tâches de surveillance mais aussi pour faire la conversation avec ceux qui y vivent.
Téléviseurs pouvant ajuster eux-mêmes leur résolution, aspirateurs capables de passer d’un mode sec à humide en détectant des taches au sol grâce à des caméras intelligentes, réfrigérateurs pouvant identifier les aliments frais et équipés de systèmes pour alerter de leur date de péremption…
L’éventail des solutions est infini. «C’est un nouveau paradigme. Nous assistons à une démocratisation de l’IA, avec des appareils qui apprennent de nos usages et apportent une meilleure connexion entre les produits et les consommateurs», indique Guillaume Rault, vice-président de Samsung Electronics France. Le groupe coréen promet de nombreuses annonces autour de l’IA.
Les acteurs de la mobilité, devenus incontournables au CES, ne seront pas en reste, et notamment les équipementiers automobiles, qui viendront au complet: Valeo, Forvia (Faurecia et Hella), Plastic Omnium, Bosch, Magna…Tous ont mis de l’intelligence artificielle dans leurs produits pour offrir de nouveaux services aux conducteurs. «L’IA va vous permettre de parler au lieu d’appuyer sur un bouton, vous offrir davantage de confort dans l’interface homme-machine. Les aides à la conduite (Adas), déjà présentes, vont être améliorées et répondre de manière de plus en plus pertinente aux situations complexes», énumère Éric Kirstetter, consultant automobile chez Roland Berger. L’expert donne l’exemple d’une série de consignes vocales simultanées données au véhicule: allumer la radio, les phares, fermer les fenêtres…
L’IA va y répondre en donnant la priorité aux fonctions les plus urgentes. «Aujourd’hui, il n’y a pas véritablement de révolution dans la voiture», rappelle toutefois Éric Kirstette. Pas de révolution, mais beaucoup d’innovations au programme. Que ce soit la généralisation d’assistants personnels dans les voitures exposées par BMW avec Amazon, des démonstrations de déplacement à distance de véhicule avec son smartphone côté Mercedes, des jeux et de «infotainement» à bord… Même sans être présent à Las Vegas, Stellantis devrait lui aussi faire des annonces dans le domaine du cockpit virtuel grâceà un partenariat avec BlackBerry et AWS, la division cloud d’Amazon.
Outre ces fonctionnalités très visibles pour le consommateur, la percée de l’IA dans l’automobile se passe, aussi et surtout, dans les coulisses de la R
Il a indiqué qu’il comptait réduire de 50% les coûts de R
“La R.
L’essor de ChatGPT, qui a réuni 100 millions d’utilisateurs en moins de deux mois, l’a bien montré. La vague actuelle de l’IA a quelque chose de palpable pour le consommateur. La présence à Vegas de deux géants de la grande consommation – Walmart et L’Oréal -, qui donneront chacun une «keynote» d’ouverture, n’est ainsi pas une surprise.
Le groupe français y présentera un nouveau produit phare, dédié à la beauté et dopé à l’IA, ainsi qu’un condensé de tous ses autres produits intelligents déjà présents les années passées, comme le rouge à lèvre intelligent (Rouge sur mesure) ou sa solution de coloration intelligente à domicile (Colorsonic). «Nous sommes assis sur 115 ans de recherche et des montagnes de données. L’IA nous permet d’améliorer la performance de nos produits», résume Adrien Chretien, responsable de développement beauté augmentée de L’Oréal. «Contrairement à l’engouement pour le métavers, où l’innovation se passe dans les coulisses des univers industriels, l’IA a le pouvoir de remodeler les expériences des consommateurs beaucoup plus vite», analyse Thomas Husson, du cabinet Forrester.
Bien sûr, pas d’IA embarquée dans les produits sans fabricants de puces. De Nvidia à Qualcomm en passant par Mediatek, les géants des semi-conducteurs seront en majesté au CES. Ce sont leurs composants, grâce à la puissance de calcul qui y est associée, qui rendent les machines intelligentes. Leur rôle sera déterminant pour accompagner la montée en puissance de cette IA pour tous. De 15 millions, le nombre d’objets avec IA embarquée pourrait passer à 2,5 milliards d’ici la fin de la décennie, selon une étude d’ABI Research.
Quant aux craintes et aux menaces que pourraient représenter ces objets, elles ne devraient pas être omniprésentes sur un salon réputé pour sa vision optimiste des technologies. Gary Shapiro, patron de la Consumer Technology Association, qui organise le salon, a beau jeu de demander des «garde-fous» à l’IA – un panel se concentrera d’ailleurs sur les menaces que pose la technologie. Mais on l’a bien compris: à Las Vegas, les scénarios noirs de l’IA seront mis de côté.