«On est passé dans la quatrième dimension». Le réalisateur Jean-Paul Salomé sur son compte X (ex-Twitter) ne se remet pas de la nomination de Rachida Dati au poste de ministre de la Culture, en lieu et place de Rima Abdul Malak. Une stupeur partagée par l’actrice Anna Mouglalis, connue, entre autres, pour son rôle de présidente de la République dans la série politique, Baron noir (Canal ). «Non ?», s’offusque la comédienne lorsqu’un journaliste lui apprend la nouvelle lors d’un rassemblement pour en finir avec «le vieux monde sexiste». «De toute façon la Culture était bien détruite mais la culture est vivante et sa fonction est aussi de résister», dit-elle. Avant d’ajouter pour légitimer sa présence dans cette manifestation : «Il se passe absolument quelque chose, c’est une révolution culturelle. Il y a une prise de conscience et de nouveaux discours qui émergent qui ne sont pas les discours des dominants et ça, quel que soit le ministre de la Culture, ça aura lieu.»

Jeudi 11 janvier, peu de temps avant l’annonce du remaniement, Gaël Hamayon, ancien conseiller du ministère de la Culture, affichait déjà sa crainte de voir partir Rima Abdul Malak. «En tant qu’élu à la culture en milieu rural, je n’ai pas besoin de “people” et de “show-business” rue de Valois», a-t-il anticipé sur Twitter. Et cet adjoint au maire de la commune de Porspoder dans le Finistère (29) de poursuivre : «Ne laissons pas cette ministre de talent nous échapper.» Quelques heures plus tard, ce qu’il redoutait arrive et c’est Rachida Dati qui, à la surprise générale, prend la tête du ministère.

Dans la foulée de sa nomination par son nouveau premier ministre Gabriel Attal, Rachida Dati est écartée des bancs des Républicains par Éric Ciotti. «Rachida Dati a fait le choix d’entrer au Gouvernement. Elle se place en dehors de notre famille politique. Elle ne fait désormais plus partie des Républicains. Nous sommes dans l’opposition, nous tirons donc les conséquences de son choix avec regret», déclare le président des Républicains sur son compte X (anciennement Twitter). L’opposition à sa nomination n’est pas seulement manifestée par son, désormais, ex-parti. Depuis hier soir, une partie du monde de la Culture affiche son mécontentement.

«Elle n’y connaît rien, mais ce n’est pas grave», lance Frédéric Mitterrand, vendredi 12 janvier dans la matinale de RTL. «Il ne faut pas se cacher, les grands ou les bons ministres de la Culture ont toujours été les présidents de la République», ajoute-t-il. De son côté, l’écrivain et éditorialiste Franz-Olivier Giesbert dresse un portrait assez cocasse de la nouvelle ministre, un bon choix selon lui. «Rachida Dati, c’est Cruela le personnage de Disney. Elle est très drôle, elle est totalement défiltrée. On la voit déjà au Festival de Cannes balancer des horreurs», plaisante-t-il.

«Rachida Dati, c’était la cheffe de la droite parisienne qui est ce qui se fait de pire dans ce pays au niveau politique anti-écologique, anti-sociale et j’en passe», réagit Alice Coffin, conseillère Europe Écologie les Verts de Paris. Pourtant l’autrice du livre Le Génie Lesbien, a de bonnes attentes concernant les nouvelles fonctions de celle qu’elle critique un peu plus tôt. «Parce que c’est une femme politique qui n’a pas peur des hommes et qui a toujours usé de son langage politique pour prendre position, pour faire des signalements contre le harcèlement moral et sexuel (…). Dans le ministère dont elle a la charge, on a de plus en plus d’hommes dont on apprend qu’ils ont commis des agressions sexuelles. Elle peut les mettre hors d’état de nuire.»

Quant à François-Xavier Bellamy, professeur de philosophie et député au Parlement européen, pour lui «le sujet n’est pas de savoir d’où viennent ces ministres, mais où ils vont, et où ils emmènent le pays. (…) Ce sont les faire-valoir d’une politique de pure communication. (…) Ce qui me désole c’est l’écœurement des citoyens quand ils entendent des responsables politiques faire le contraire de ce qu’ils ont dit pendant des années», dit-il sur France Inter.

Laurent Domingos, coprésident du Festival OFF d’Avignon, s’est également dit «très surpris». «Il y a clairement une droitisation du gouvernement. Je pensais que Rima Abdul Malak allait peut-être rester car elle représentait une partie de la gauche», constate-t-il. Dans son discours d’intronisation au ministère de la Culture, Rachida Dati a dit vouloir «bâtir une nouvelle culture populaire pour tous». «On va la prendre aux mots. Comment va-t-elle protéger cette culture fragile des théâtres indépendants qui font la diversité française?», réagit-il, très circonspect malgré vis-à-vis de cette nomination.

Pour Olivier Dabois, patron de Prodiss, l’organisation patronale représentative des principales entreprises du spectacle musical et de variété en France est déçu et inquiet par cette nomination. Déçu que «ce ministère soit la variable d’ajustement d’un gouvernement alors que la culture requiert un temps long . Et que l’on change de ministre en moyenne tous les deux ans depuis Jack Lang».Inquiet car «on l’attend sur de nombreux dossier, à commencer par les JO. Nous ne sommes pas totalement satisfaits sur le déploiement des festivals en région pendant les Jeux olympiques».

Invité à s’exprimer sur RTL ce vendredi, Pierre Arditi a choisi de prendre la défense de Rachida Dati. «Le procès qu’on lui fait c’est qu’elle n’est pas du bon bord, qu’elle n’est pas spécialiste. Mais qui est spécialiste ? Personne, absolument personne. Qui sait tout sur la culture ? Qui sait ce qu’il faut faire et ce qu’il faudrait faire et surtout qui le fait ? Personne ou pratiquement personne», regrette-t-il. «On les décapite avant qu’ils aient pu se servir de leur tête. Comment peut-on juger quelqu’un avant qu’il ait fait quoi que ce soit ? C’est grotesque», conclut l’acteur de 79 ans.