Guy Marchand s’est éteint le 15 décembre sous la lumière du ciel de Provence, après avoir vécu plusieurs vies. Musicien chanteur comédien, boxeur, coureur automobile, et joueur de polo, il est régulièrement passé d’une activité à une autre en assurant, avec le plus grand sérieux, que rien n’était important pour lui. «Je traverse les films comme une vieille anglaise qui visiterait les Indes», assurait-il en évoquant le personnage du détective Nestor Burma, qu’il a incarné dans 21 téléfilms devenus des succès d’audience.

Derrière un sens de la dérision devenu son image de marque, il dissimulait un énorme travail. «Quand, enfant, je nettoyais l’atelier de papa, qui était alors garagiste, il me disait : “tant qu’à faire, fais-le bien”, expliquait-il. Je suis resté fidèle à sa devise». C’est à son père qu’il doit sa découverte de la musique. Avant de réparer des voitures, il a été régisseur à Bobino, où il a régulièrement emmené son fils. C’est ainsi que, dès ses très jeunes années, Guy découvre le rock and roll et le jazz. Django Reinhardt, dont il écoute les disques en boucle, devient son idole.

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Après avoir appris à jouer du piano et de la clarinette, il fonde, au Lycée Voltaire, un orchestre amateur avec Jean-Pierre Kalfon au trombone et Jean-Jacques Debout au saxophone. Il donne quelques concerts auquel assiste régulièrement un autre de ses copains d’enfance , Claude Moine, le futur Eddy Mitchell. À la veille de ses 20 ans, il commence à se produire dans des clubs de jazz où il se fait remarquer en imitant Elvis Presley et Sidney Bechet à la perfection.

À l’heure du service militaire, en pleine guerre d’Algérie, ce baroudeur dans l’âme devient officier parachutiste, puis signe un engagement de trois ans dans la Légion Étrangère. Entre deux missions, il est l’un des conseillers techniques du film Le jour le plus long et tourne une scène qui sera coupée au montage. Il est ensuite affecté au fort de Bo-Saâda, dans le sud du pays. Il n’y a pas grand-chose à faire et, pour s’occuper, il écrit et compose une chanson en s’inspirant de mélodies arabes qu’il affectionne. C’est ainsi que naît La Passionata qu’il a toujours présentée comme «un cri de dérision au milieu de l’absurdité qui l’entourait». Pour le plaisir, il fredonne ces couplets devant des copains qui l’encouragent à les proposer à Eddie Barclay. Il relève le défi sans imaginer un seul instant qu’il va intéresser un producteur. À sa grande surprise, il signe presque immédiatement un contrat et enregistre un 45 tours qui, en quelques semaines, se vend à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires.

Les yé-yé l’adoptent aussitôt comme le confirme cette séquence de l’émission d’Albert Raisner, Tête de bois, tendres années, que Madelen vous propose de découvrir ou de redécouvrir. Henri Salvador, qu’il considère comme un autre de ses maîtres est discrètement associé. L’engouement est tel qu’un soir, à Toulouse, il fait la connaissance d’El Cordobès, le roi des toréadors, qui lui demande de chanter a capella, rien que pour lui, des couplets dont il est un inconditionnel.

Désormais classé dans la catégorie des crooners, Guy Marchand va à nouveau triompher dans les hit-parades, 17 ans plus tard, avec Destinée, devenue la bande originale de deux films cultes, Les sous-doués en vacances et Le père Noël est une ordure. Il assure alors que ce titre, qu’il n’affectionne pas particulièrement, demeurera sa principale contribution à notre patrimoine culturel. Il y en a eu d’autres, en particulier, dans l’univers du jazz, à travers des duos avec Claude Bolling et au cinéma, dans une soixantaine de films, où il a multiplié les seconds rôles. L’un d’entre eux dans Garde à vue, réalisé par Claude Miller, a été récompensé, en 1982, par un César du meilleur acteur. La consécration pour celui qui assurait avoir été un mauvais élève en ne suivant pas un plan de carrière, mais faisant, à sa manière l’école buissonnière.