Alors que la course à l’élection présidentielle américaine débute officiellement ce lundi 15 janvier avec le caucus de l’Iowa, certains sujets reviennent déjà au cœur des discours de l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, largement favori côté républicain, et de l’actuel président Joe Biden, pressenti comme le candidat démocrate. De l’immigration clandestine à la violence par armes à feu, Le Figaro revient sur les huit thématiques clés qui rythmeront la campagne d’ici à l’élection du 5 novembre.

L’immigration est d’ores et déjà un sujet déterminant de la campagne présidentielle : en 2023, 2,5 millions de migrants ont traversé la frontière pour rejoindre les États-Unis, dont 300.000 lors du mois de décembre, un record. Le président Biden fait face à une pression grandissante de la part des Républicains du Congrès qui souhaitent voir des mesures concrètes mises en place pour réduire l’afflux.

Depuis plus d’un an, les Républicains réitèrent leur souhait d’intenter une procédure de destitution à l’encontre du ministre de la Sécurité intérieure de Biden, Alejandro Mayorkas : il est accusé d’avoir volontairement échoué à renforcer les restrictions en matière d’immigration. Le 3 janvier, Mike Johnson, nouveau président de la Chambre des représentants, et une soixantaine de Républicains se sont rendus à Eagle Pass au Texas, lieu de transit migratoire notoire à la frontière avec le Mexique, afin de faire pression sur Biden et la nécessité d’adopter des politiques de sécurité à la frontière plus strictes.

À lire aussiPrésidentielle américaine 2024: Joe Biden et Donald Trump lancent une campagne empoisonnée

Au cœur du débat trône la question d’une refonte profonde du système migratoire : toute procédure de requête d’asile aux États-Unis permet aux demandeurs de rester sur le territoire le temps que tranche la justice, ce qui peut prendre des années. Un débat sur lequel le candidat républicain favori n’a pas manqué de tabler, en déclarant que les immigrés clandestins «empoisonnent et détruisent le sang de notre pays» lors d’un événement de campagne le 19 décembre. En riposte, l’équipe de campagne de Joe Biden a comparé dans un courriel les propos du Donald Trump à ceux d’Adolf Hitler ou de Mussolini. «Je n’ai pas lu Mein Kampf !», s’est ensuite défendu l’ancien président, sans cesser de vilipender les immigrés.

Le sujet de l’immigration est inextricablement lié à celui de l’aide des États-Unis à l’Ukraine : les républicains du Congrès ont annoncé à plusieurs reprises qu’ils n’approuveraient pas le nouveau paquet de plus 60 milliards de dollars d’aide que la Maison-Blanche souhaite accorder à Kiev, tant que le gouvernement n’implémentera pas une politique de restrictions sécuritaires plus fermes à la frontière. Si les républicains ont toutefois fait passer au Congrès une loi approuvant un paquet d’aide de 14 milliards de dollars destinés à Israël – dont la question du soutien polarise moins l’opinion américaine que l’Ukraine -, le Sénat a répliqué que seul un projet de loi incluant l’Ukraine, Israël, et l’aide humanitaire à Gaza serait acceptable.

Le contexte géopolitique, marqué par la guerre en Ukraine depuis l’invasion russe en février 2022 et le conflit entre Israël et le Hamas depuis l’attaque du groupe terroriste palestinien le 7 octobre 2023, est particulièrement trouble. Après s’être imposé en tant qu’allié primordial de Kiev, Joe Biden peine à convaincre le Congrès d’accorder de nouvelles aides au pays qui s’enlise dans le conflit avec la Russie depuis l’échec de sa contre-offensive. Les visites et appels répétés du président ukrainien Volodymyr Zelensky n’y auront rien changé, d’autant que le soutien de l’opinion publique américaine à la guerre en Ukraine diminue : 55% des Américains sont désormais réticents à voir le Congrès accorder de nouvelles aides à l’Ukraine et 51% considèrent que les États-Unis «en ont déjà fait assez», d’après un sondage CNN publié en août 2023.

Après une suspension de quelques semaines pendant la période des fêtes, les négociations ont repris au Congrès en vue des deux prochaines échéances le 19 janvier et le 2 février prochains pour parvenir à un accord sur une douzaine de projets de lois de finances, qui incluent les aides aux deux pays en guerre.

À lire aussiJoe Biden, président empêtré dans un monde en crise

Fraudes financières, diffamation, recel de documents, émeutes au Capitole du 6 janvier… l’ancien président des États-Unis Donald Trump fait face à 91 accusations criminelles dans quatre juridictions différentes. Les dates de certaines des procédures en cours coïncident avec le calendrier électoral, même si les nombreuses requêtes en appel du candidat républicain retardent pour l’heure deux affaires majeures : la question de son inéligibilité à l’élection au nom du 14e amendement de la Constitution, déférée à la Cour suprême après les décisions historiques du Colorado et du Maine, et celle de son rôle dans l’assaut du Capitole par des militants le 6 janvier 2021, en suspens depuis sa demande d’immunité absolue.

Pour l’heure, les déboires judiciaires de Donald Trump semblent loin de pénaliser sa campagne : d’une part parce que la stratégie principale de sa défense est de ralentir les procédures en cours, d’autre part parce que la Cour suprême semble elle-même réticente à trancher sur les questions d’immunité et d’éligibilité, de peur d’être accusée de partialité. Lors de ses dernières apparitions devant la justice pour son procès au civil pour fraudes financières, l’ancien président n’a pas hésité à dénoncer le «biais politique» du juge et de la procureur de l’État de New York et la «chasse aux sorcières» dont il fait l’objet.

À lire aussiPourquoi l’éligibilité de Donald Trump dépend aussi de la Cour suprême

L’actuel président et candidat démocrate Joe Biden, qui a soufflé en novembre dernier ses 81 bougies, essuie des critiques toujours plus nombreuses quant à son âge. En cause, une tendance à bégayer, à avoir l’air confus ou encore à perdre l’équilibre lors d’apparitions publiques, la plus célèbre restant sans doute la visite officielle au Vietnam qui a manqué de tourner à la catastrophe lorsque le président a qualifié le pays de «tiers-monde», avant d’indiquer qu’il souhaitait «aller se coucher».

Des erreurs que son opposant de 77 ans ne manque pas de tourner en dérision ou de parodier. Dans une vidéo de campagne diffusée sur son réseau social Truth en en novembre, Donald Trump mettait en parallèle ses rencontres avec de puissants homologues internationaux lors de sa mandature avec les chutes du président actuel, sur fond de musique moqueuse et d’un fil rouge : «nous sommes passés de ça… à ça».

La stratégie de Biden pour y faire face ? Son sens de l’humour imparable : «Je sais que j’ai l’air d’avoir 30 ans, mais je fais ça depuis un bon bout de temps», aurait-il lâché lors d’un événement caritatif en septembre. Interrogé le même mois quant à son élection au Sénat en 1972, le président a déclaré «se souvenir de quand j’étais jeune… c’était il y a 827 ans».

La société américaine se divise plus que jamais sur les questions de «wokisme» : en janvier, la démission de Claudine Gay, présidente de la prestigieuse université d’Harvard, après une polémique sur l’antisémitisme au sein de l’institution, a révélé l’ampleur de la fracture américaine. De la censure de manuels scolaires jugés trop «woke» au rétropédalage sur les mesures de discrimination positive au sein des universités américaines, les débats sont légion et polarisent l’opposition entre les deux camps politiques.

À lire aussiLa fabrique des élites aux États-Unis : histoire des universités américaines

En témoigne la question du genre, radioactive dans la société américaine. Alors que le nombre d’enfants et d’adolescents ayant reçu un diagnostic de dysphorie de genre a triplé aux États-Unis entre 2017 et 2021, les démocrates et les républicains s’affrontent sur cet épineux débat. Si l’aile la plus à gauche des démocrates érige en priorité cette nécessité de sensibiliser les enfants à «l’intégration», qui passe par la reconnaissance de la différence entre le sexe biologique et l’identité sexuelle comme construction sociale, le «Grand Old Party» critique une telle démarche qu’il considère comme un endoctrinement des petits Américains. L’ex-président Donald Trump avait notamment annoncé un programme chargé sur ce sujet en juillet, s’il venait à être réélu, affirmant qu’il sévirait contre les «communistes aux cheveux roses» et contre les médecins proposant des soins de transition aux mineurs transgenres.

Les États-Unis se déchirent sur le droit à l’avortement. Plus d’un an et demi après l’annulation par la Cour suprême de l’arrêt Roe v. Wade de 1973, une vingtaine d’États a interdit ou strictement restreint l’accès à l’interruption volontaire de grossesse : au Texas, Kate Cox, jeune femme d’environ 31 ans, a été contrainte de quitter l’État pour pouvoir avorter, alors que sa grossesse présentait de graves risques pour sa santé. Elle avait pourtant saisi la justice pour obtenir l’autorisation d’avoir recours à une IVG en raison de sa situation particulière : c’est la première fois, depuis 1973, qu’une demande d’avortement d’urgence est requise auprès d’un tribunal. D’autres États à majorité démocrate ont au contraire pris le contre-pied en votant des décrets garantissant le libre accès des femmes à l’avortement, permettant au parti démocrate de redorer sa cote de popularité.

À lire aussiAvortement : un an après l’annulation de l’arrêt Roe vs Wade, les États-Unis divisés

Sur les six référendums organisés depuis pour protéger l’avortement ou le fœtus, les pro-IVG ont ainsi réalisé un carton plein, y compris dans des États conservateurs comme le Kansas, le Kentucky, le Montana ou mardi dans l’Ohio. Alors que cet épineux débat électrise toujours la société américaine, la Cour suprême a récemment annoncé qu’elle se prononcerait d’ici fin 2024 sur la question du recours à la pilule abortive, coïncidant ainsi avec les échéances des élections.

S’il reste en deçà du pic atteint en 2017, le nombre de décès dus à la crise des opioïdes aux États-Unis est reparti à la hausse en 2023, notamment en raison de la prolifération d’un nouveau type de drogue cinquante fois plus puissant que l’héroïne et cent fois plus fort que la morphine : le fentanyl est devenu la bête noire des pouvoirs publics, supplantant en quelques années à peine toutes les autres drogues produites par les narcotrafiquants. Cette poudre de synthèse, première cause de mortalité des 18-49 ans, est à l’origine des deux tiers des 110.000 décès par surdose dans l’État fédéral en 2022. La même année, les autorités avaient saisi assez de fentanyl pour tuer toute la population américaine. Au total, 150.000 Américains sont morts d’overdoses liées au fentanyl, menant la candidate républicaine Nikki Haley à déclarer que cette drogue «avait tué plus d’Américains que les guerres en Irak, au Vietnam et en Afghanistan» (une déclaration correcte, puisque les trois guerres combinées ont causé la mort de 65.000 Américains, d’après le New York Times).

Le sujet risque de revenir sur le tapis en marge des élections, alors que plus d’un quart des Américains considèrent les opioïdes et le fentanyl comme la plus grande menace pour la santé publique, devant l’obésité et les armes à feu, d’après un sondage Axios-Ipsos d’août 2023. Joe Biden a annoncé vouloir prendre la problématique à bras-le-corps en promettant de s’attaquer à l’intégralité de la chaîne de production tout en encourageant la vente du Narcan, un spray nasal qui permet d’empêcher les overdoses. De son côté, Donald Trump s’est encore peu exprimé sur le sujet, un angle mort que ses adversaires républicains encore en course pointent du doigt. Ron DeSantis, le gouverneur de la Floride candidat contre Trump à la primaire républicaine, a plusieurs fois promis qu’il enverrait l’armée américaine au Mexique pour lutter contre les cartels.

L’année 2023 a marqué un nouveau record de violence par armes à feu aux États-Unis avec 656 fusillades, en dépit d’une baisse du nombre de morts par armes à feu au total (près de 19.000, contre plus de 20.000 l’année précédente, d’après le site de recensement Gun Violence Archives). Le sujet du port d’armes risque à nouveau d’occuper une place centrale des débats politiques. À l’échelle des différents États, les réformes législatives se multiplient, mais peinent à pénétrer la politique fédérale qui, face à un lobby puissant de l’industrie de l’armement, résiste encore à adopter des mesures qui s’appliqueraient à l’ensemble du pays.

Côté démocrate, le président Joe Biden s’est prononcé en faveur d’un renforcement des mesures de sécurité concernant les armes et de l’application des lois dites de «drapeau rouge» qui permettent une confiscation temporaire de l’arme d’une personne considérée comme menaçante. Son opposant principal Donald Trump a affirmé être le président «le plus favorable aux armes à feu et au deuxième amendement» de la Constitution des États-Unis, qui consacre le droit de porter une arme, une position secondée par Ron DeSantis et Nikki Haley, qui perçoit d’un mauvais œil les lois «drapeau rouge».