Quand les conteneurs ne peuvent plus naviguer, ils prennent le train. Ceux de la compagnie maritime Maersk du moins. Depuis plusieurs semaines, le transporteur danois doit composer avec un canal de Panama quasi à sec. En réaction, Maersk déclarait dans un communiqué publié jeudi avoir «pris la décision d’utiliser le chemin de fer du canal de Panama pour protéger les chaînes d’approvisionnement de [ses] clients».

Le trajet entre l’Océanie et les villes de l’est des États-Unis sera désormais découpé en trois parties. La première ira de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande vers Balboa, port commercial du sud du Panama. Les containers y seront transférés sur des trains puis traverseront le pays sur les rails avant d’être chargés à Colon, port des Caraïbes. Puis direction les États-Unis, vers les villes de Philadelphie et de Charleston. Tant que le canal ne retrouvera pas son niveau habituel, ce tour de passe-passe aura lieu deux fois par semaine, a détaillé la compagnie dans un avis pour ses clients.

Alimenté par plusieurs lacs, le canal de 80 kilomètres, qui relie l’océan Atlantique à son grand frère du Pacifique depuis 1913, fait face à une sécheresse historique. L’autorité du canal de Panama (ACP) est particulièrement inquiète du niveau du lac Gatún, le principal réservoir du canal, anormalement bas en cette saison. Or, pour chaque bateau, il est nécessaire de déverser près de 200 millions de litres d’eau douce, que le canal obtient habituellement d’un bassin hydrographique formé par les lacs.

Sans pouvoir garantir une hauteur d’eau suffisante pour de lourds cargos, l’ACP a largement réduit le nombre de passages sur le canal, l’abaissant de 40 à 24 bateaux par jour. «Nous comprenons que nos clients, comme nous, doivent adapter leurs opérations en raison des impacts des variations climatiques dans le monde et de la pénurie d’eau actuelle dans le canal de Panama», a déclaré l’autorité en réponse aux mesures prises par Maersk.

Les récentes prévisions météorologiques ne laissent pas présager d’amélioration. D’autant plus que la sécheresse au Panama dépend d’El Niño, un phénomène météorologique qui prend sa source dans le Pacifique et qui entraîne des épisodes climatiques extrêmes sur le continent américain pendant plusieurs mois.

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Pour remédier à ces épisodes qui pourraient survenir de plus en plus fréquemment, le gouvernement panaméen envisage des solutions sur le long terme. Outre la voie de chemin de fer, rénovée au début du XXI siècle, l’ACP réfléchit à construire de nouveaux réservoirs d’eau potable pour alimenter le passage. Le projet à l’étude serait construit sur le fleuve Indio, à l’ouest du canal. Son eau serait acheminée par un tunnel de huit kilomètres environ jusqu’au lac Gatún. En fonction de l’abondance des pluies, le réservoir pourrait se remplir en trois mois, au mieux, ou en deux ans et demi si la sécheresse perdure, avertissait en septembre l’administrateur du canal, Ricaurte Vásquez. Un autre projet est à l’étude pour extraire de l’eau du lac Bayano, situé à l’est du canal.

En attendant, les cargos qui veulent emprunter le canal doivent faire face à des délais de plus en plus importants. Ce lundi 15 janvier, le temps d’attente moyen était de plus de 16 jours pour s’engager du sud vers le nord, contre un peu plus de sept jours en décembre.