C’est une affaire bien menée. Présenté en septembre 2020 et doté d’une enveloppe de 100 milliards d’euros, le vaste plan de relance français a été déployé avec efficacité. Fin novembre 2023, le taux de décaissement du plan s’élevait à 73%, selon le comité d’évaluation du plan, qui publiait ce mardi son nouveau rapport. Les économistes en charge de cette évaluation notent ainsi que «les enveloppes et le rythme prévisionnel de décaissement du plan de relance ont été bien respectés ; la répartition territoriale est équilibrée ; le ciblage des dispositifs est encourageant dans plusieurs cas, par exemple avec les gains pour l’industrie via la baisse des impôts de production, ou le ciblage des ménages modestes via MaPrimeRénov’ ».
C’est sans doute la première fois de son histoire que Bercy déploie si rapidement un plan d’une telle ampleur. En termes de mise en œuvre, la réussite apparaît donc claire. Ces 100 milliards ont-ils pour autant été dépensés à bon escient ? La réponse n’est pas simple car le plan recouvrait plus de 100 dispositifs de toutes natures, dont la baisse des impôts de production (pour 10 milliards d’euros). Le comité d’évaluation du plan, qui travaille dans le cadre de France Stratégie, s’est donc focalisé sur quelques grandes mesures aux effets quantifiables.
Côté emploi, le comité s’est appuyé l’évaluation de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui estimait que le plan de relance avait créé 350.000 emplois en 2022, grâce aux mesures en faveur de l’aide à l’apprentissage et de soutien à la rénovation des bâtiments. L’aide exceptionnelle à l’apprentissage aurait notamment permis de créer 200.000 emplois en 2021 et 2022 pour un coût budgétaire moyen de 20.000 euros par emploi, «ce qui correspond à la borne basse de ce qu’on peut trouver dans les politiques de l’emploi déployées en France», selon Cédric Audenis, commissaire général par intérim de France Stratégie.
À lire aussiRelocalisation: les aides du plan de relance mal ciblées
Les dispositifs de soutien à la décarbonation de l’industrie et le bonus automobile ont aussi rempli leur office. Selon l’Institut des politiques publiques (IPP), le seul bonus automobile expliquerait 40% de la progression «de la part de marché des véhicules électriques». Les aides à la décarbonation auraient de leur côté permis d’économiser 4,5 millions de tonnes de CO2. En prenant en compte les effets d’aubaine, le coût budgétaire serait alors d’environ 19 euros la tonne de CO2 évitée.
Le dispositif de rénovation des logements MaPrim’Renov’ a été plébiscité par les particuliers. En revanche, il peine à déclencher des rénovations d’ampleur puisque 27% des dossiers seulement comportent au moins deux gestes. Surtout, 4% des rénovations concernent des logements collectifs. La subvention des travaux aurait permis de réduire les émissions de CO2 à hauteur de 70 euros par tonne de CO2 évitée. «C’est un coût relativement faible, même s’il néglige l’effet rebond, soit le fait que les ménages ont tendance à se chauffer davantage une fois les rénovations réalisées», a avancé l’économiste Xavier Jaravel, président du comité d’évaluation.
Le coût de la rénovation des bâtiments publics atteint en revanche 700 euros la tonne de CO2 économisée. «Ces chiffres donnent une idée du coût global de la décarbonation de l’économie, a expliqué Xavier Jaravel. Notre point n’est pas d’inciter à ne réaliser que les mesures les moins coûteuses car l’économie dans son ensemble doit être transformée, mais il important de mesurer ces divergences de coût.»
D’un point de vue macroéconomique, selon l’OFCE, en 2022, le plan a contribué à hauteur de 1,4 point de produit intérieur brut (PIB). Après le choc de l’arrêt de l’activité en 2020, les dispositifs devaient permettre à la France de retrouver à l’été 2022 le niveau de produit intérieur brut (PIB) d’avant-crise. L’objectif a été atteint, en avance sur le calendrier. « La France a été l’une des premières grandes économies à retrouver son niveau d’activité avant-crise», a appuyé Sylvie Montout, rapporteure du budget. La contribution du plan dans ce rebond apparaît toutefois minoritaire. À moyen terme, son effet semble aussi s’estomper. «Au troisième trimestre 2023, le PIB français s’établit à 1,8% au-dessus de son niveau du quatrième trimestre 2019, contre 2,3 % pour la zone euro», appuie ainsi le comité d’évaluation.
Plus préoccupant, selon les dernières données, le plan, malgré ses incontestables réussites, n’a pas su contrer la grande faiblesse de l’économie française : la chute de sa productivité. «On ne sait pas encore la part tendancielle de cette évolution, mais les mesures de soutien à l’investissement et à la compétitivité du plan France relance ne semblent pas être en mesure, à elles seules, de la contrer», avance le rapport. Parmi les «points de vigilance» mis en avant, le comité d’évaluation souligne en effet que «les dispositifs de modernisation de l’industrie n’ont pas été utilisés pour des investissements dans des technologies les plus récentes».