Tel un PDG enchaînant les rendez-vous par dizaines, le président ukrainien a multiplié les rencontres au Forum économique mondial de Davos lundi et mardi. Volodymyr Zelensky a fait le déplacement dans la station suisse des Grisons, enneigée comme les plaines d’Ukraine, pour la première fois depuis l’invasion russe.

Vêtu d’un sweat noir et de son éternel pantalon kaki, le président a prononcé un discours dans la salle bondée des plénières, devant quelque 1500 personnes. «Poutine incarne la guerre, il ne changera pas», a martelé Zelensky. «Je ne crois pas qu’il soit prêt à changer car seul un être humain peut changer.» Il a ajouté que le maître du Kremlin «aime l’argent par-dessus tout». «Il faut lui en faire perdre le plus possible», a-t-il réclamé, appelant à renforcer les sanctions, notamment en les étendant à l’industrie nucléaire russe, épargnée jusqu’ici. Comme à son habitude, le président ukrainien a mêlé la gratitude envers ses alliés et les reproches. Il a répété combien les injonctions des Occidentaux à «éviter l’escalade» ont fait perdre du temps et des vies. Ce qui n’a pas empêché l’assistance de se lever pour l’applaudir à la fin de son intervention. Outre cette tribune médiatique mondiale, Volodymyr Zelensky a profité de la concentration unique de chefs de gouvernement et de PDG qu’offre le Forum de Davos.

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Lundi, il avait réuni les responsables de la sécurité nationale de «81 pays» pour discuter d’une «formule de paix». Aux côtés de la présidente de la Confédération helvétique, Viola Amherd, Volodymyr Zelensky a annoncé le principe d’un sommet pour la paix que la Suisse est prête à organiser cette année. Proposition que le Kremlin a aussitôt critiquée, n’étant pas partie prenante aux discussions.

Le président ukrainien a échangé avec le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan, qui ont renouvelé leur soutien à l’Ukraine. Il s’est aussi entretenu – entre autres – avec le président rwandais Paul Kagamé pour embarquer «les voix des États africains» dans ce projet de sommet de la paix. En revanche, a-t-il dit au Figaro, il ne rencontrera pas Emmanuel Macron, attendu mercredi après-midi dans la station suisse, car «je dois rentrer à la maison», a-t-il précisé. Zelensky n’a pas non plus rencontré le premier ministre chinois Li Qiang, pourtant présent à Davos mardi. Pourquoi ? «Parce que Xi Jinping n’est pas là. C’est lui le décisionnaire. Je le rencontrerai avec plaisir. Nous avons besoin de la Chine du bon côté de la guerre.»

Redoute-t-il une victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine dans moins de dix mois ? «Il a dit qu’il arrêterait la guerre en discutant avec Poutine et Zelensky. Et que si l’Ukraine n’arrête pas, il lui couperait les fournitures en armement.» «Bullshit!», s’est-il exclamé en anglais. «Poutine ne s’arrêtera pas», et si toute l’Ukraine est envahie, «l’Europe aura perdu son armée la plus utile».

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Le chef de l’État ukrainien, toujours aussi énergique lors de ses prises de parole, a aussi échangé avec des grands patrons : Jamie Dimon, le PDG de la plus grande banque américaine, JPMorgan, les dirigeants du gestionnaire d’actifs BlackRock ou encore de Carlyle, Blackstone ou ArcelorMittal. «Nous avons eu des signaux positifs», a commenté Zelensky lors d’un échange avec une trentaine de journalistes de la presse internationale. «Ça surprend tout le monde», a-t-il dit, «notre PIB a progressé» en 2023 et l’inflation «est à 6%». C’est «inédit en temps de guerre», s’est-il félicité. Selon le FMI, l’Ukraine était en croissance l’an dernier, de 2%, mais il s’agit d’un rebond après un effondrement de 29% l’année de l’invasion russe. Quant à l’inflation, le FMI la mesure à 17% sur l’ensemble de l’année 2023.

Pour financer la reconstruction, Volodymyr Zelensky a plaidé face à la presse pour le gel des avoirs privés russes, en plus de ceux de la Banque centrale de Russie. Il a évoqué une somme de 700 milliards de dollars. «Le coût de la guerre est trop faible pour Poutine, s’agace le leader ukrainien. À chaque sanction, il y a toujours une échappatoire.»

Même si le président venait au Forum de Davos pour la première fois en personne depuis l’attaque russe, il y avait déjà été très présent. En 2022, alors que le Forum avait été décalé au moins de mai, il était intervenu en visioconférence et avait dépêché force ministres, députés et patrons, omniprésents dans de nombreuses conférences. En 2023, c’est son épouse, Olena Zelenska, qui l’avait représenté. Klaus Schwab, le fondateur du Forum de Davos, bon pied bon œil à 85 ans, a rappelé mardi qu’en 2020, tout juste élu, Zelensky avait averti, depuis Davos, le monde sur les menaces pour la sécurité. La Crimée était alors occupée depuis six ans mais l’Occident était loin d’envisager le scénario d’une attaque massive de Moscou.