Gréco-romains? Pas vraiment. À la lutte classique, les Von Erich préfèrent le catch texan, avec ses bons vieux trucs, son folklore et son esbroufe. Ils ont ça dans le sang. Le père a inventé la prise qui donne son titre au film. Il s’agit, avec cet étau de fer, d’enserrer la tête de l’adversaire et de lui comprimer les tempes jusqu’à l’évanouissement. Charmant passe-temps.
Tout cela est rigoureusement vrai. Fritz élevait son clan d’une main inflexible. Son rêve était qu’ils deviennent champions du monde dans leur catégorie. Que des fils. Il en exige trop. Comment être à la hauteur? Cette éducation à la schlague engendre des dommages collatéraux. Une malédiction semble peser sur la famille. Au détour d’une conversation, on apprend que l’aîné est mort à l’âge de 6 ans. Depuis, Kevin protège ses trois frères cadets. Dans leur genre, ce sont des vedettes.
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Avec leur corps de dieux antiques, leurs cheveux de chanteurs pop (nous sommes en 1980 et quelques), ils se produisent au gigantesque Sportatorium de Dallas, participent à des émissions télévisées, ont droit à la une des magazines spécialisés. Dans la rue, les demoiselles leur demandent des autographes. Cette vie de coups et de paillettes a un prix. Ces gladiateurs d’opérette vont connaître une longue cohorte de tragédies. Il y aura successivement une hémorragie intestinale dans un hôtel de Tokyo, un accident de moto (un pied en moins), une opération bénigne qui tourne mal. Derrière la joyeuse vulgarité, les rodomontades au micro, se cachent une solitude à crever, des destins en lambeaux.
Sean Durkin (Martha Marcy May Marlene, The Nest) se penche sur ces malheurs avec une brutale mélancolie, une tendresse rugeuse. L’air de rien, sa caméra s’attarde dans le salon de ses héros sur un crucifix, puis sur une armoire remplie d’armes à feu, enfin sur une série de trophées brillants comme les chromes d’une Chevrolet. Brisée de l’intérieur, la mère compte sur Dieu pour veiller sur son petit monde.
La fatalité l’a si peu épargnée que, à nouveau en deuil, elle ne veut pas porter la même robe noire qu’au dernier enterrement. La violence ne se déchaîne pas seulement sur le ring. Elle règne dans cette maison où un monstre dévore les siens, sans se rendre compte de rien. Le patriarche est digne du Prince des marées, de Pat Conroy. La grisaille du foyer contraste avec ce sport coloré, tonitruant. C’est du cirque. C’est du théâtre. Ces adeptes le prennent au sérieux. Leur foi rend cela touchant.
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Iron Claw déborde de larmes et de stéroïdes. Zac Efron, bodybuildé comme ça n’est pas permis, mène la danse avec un regard d’une tristesse à fendre les banquises. On n’avait pas vu pareille transformation physique depuis le De Niro de Raging Bull. Ses muscles ont l’air sur le point d’exploser: Hulk avec la coiffure de Du Guesclin. Sa virilité en bandoulière, cet acteur jadis anodin rayonne dans cette chronique qui a l’air de surgir du meilleur cinéma indépendant des années 1970. Entre les cordes, le chiqué est chez lui. Sur l’écran, il y a quelque chose de shakespearien.