Est-ce le début d’une longue galère pour les usagers des transports en commun franciliens ? Ce lundi, la CGT-RATP, premier syndicat du transporteur public, a déposé un préavis de grève long de… 7 mois. Celui-ci doit ainsi courir du 5 février au 9 septembre, période comprenant les Jeux olympiques et paralympiques, a prévenu l’organisation syndicale, mécontente de mesures salariales jugées «insuffisantes». Une annonce qui n’a pas manqué de faire réagir les usagers, inquiets des conséquences que pourraient avoir cette mobilisation sur leur quotidien.

«Même si la grève n’est pas continue, le fait que les agents puissent débrayer d’un jour à l’autre est assez inquiétant (…) Personne ne veut revivre les grèves perlées de décembre 2019», lance cette usagère de la ligne 7. «Si l’idée est de faire pression pour obtenir de meilleures revendications salariales, c’est compréhensible, mais je ne suis pas sûr que ça fonctionne», estime cet autre passager. «Les nuisances à répétition n’ont que trop duré. On s’attendait bien à ce que la CGT-RATP sorte du bois avec des revendications corporatistes. Alors vous pensez, les JO ça va être open-bar !», lance ce dernier.

«Quand on dépose un préavis de grève, c’est en effet pour faire pression», a réagi Jean Castex lundi soir, auditionné par Île-de-France Mobilités (IDFM) à l’occasion d’un conseil d’administration exceptionnel. Le PDG de la RATP a rappelé que des discussions étaient en cours avec les organisations syndicales au sujet des négociations salariales – les fameuses «NAO» (négociations annuelles obligatoires). «C’est sans doute pour peser dans ces négociations que le préavis a été déposé», a-t-il fait savoir, avant de poursuivre : «s’agissant de la durée, je rappelle qu’il existe par ailleurs des préavis de grève illimitée, donc ne vous laissez pas impressionner par la durée de ce préavis».

Un temps long qu’a justifié de son côté Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, qui a évoqué ce mardi sur RTL «des règles très contraignantes en matière de conditions de grève pour les salariés des transports, avec des délais de prévenance très longs qui font que, quand il y a des besoins de se mobiliser rapidement, il faut s’y prendre trois semaines à l’avance». Selon elle, il n’est ainsi pas question de faire grève pendant 7 mois, mais juste «de pouvoir le faire du jour au lendemain» lorsqu’il y en a besoin. «Ça ne veut pas dire qu’il va y avoir des grèves pendant sept mois à la RATP», a-t-elle rassuré.

À lire aussiRATP : la CGT dépose un préavis de grève jusqu’en septembre

Des propos confirmés par Vincent Gautheron, délégué syndical central adjoint à la CGT-RATP, qui assure que le but «n’est pas de partir en grève de façon illimitée» mais bien «de montrer à l’entreprise qu’on est prêt à passer à l’action». «Certes, le préavis est plus long que ce qu’on a l’habitude de faire jusqu’à présent, mais ce n’est pas non plus quelque chose qui n’a jamais été fait dans l’entreprise», souligne le représentant syndical, qui n’hésite pas à tacler la direction : «aujourd’hui, il y a plus de galère dans les transports en raison de la désorganisation de l’entreprise qu’en raison de nos grèves». Avant de lancer : «on fait juste monter le rapport de force avec les moyens dont on dispose».

Et s’il est évident que le choix de la CGT d’inclure la période des JO n’est pas anodin, Vincent Gautheron assure que le préavis «n’est pas en lien avec l’organisation des Jeux, mais bien avec les revalorisations des salaires pour l’année 2024». «La direction a décidé de nous offrir le minimum syndical, sans mauvais jeu de mot, avec une augmentation qui correspond à 25 euros brut mensuel (…) Malgré tout ce qui a pu être dit sur le côté “nanti” des agents de la RATP, nos grilles de salaires débutent à seulement 55 euros brut mensuel au-dessus du smic, et atteignent seulement 342 euros brut mensuel au-dessus du smic pour les machinistes dont on manque cruellement», déplore celui qui rappelle que bon nombre des salariés de la RATP ont des horaires et jours de repos décalés. «Aujourd’hui, ils gagnent trop pour prétendre aux logements sociaux mais pas assez pour se loger près de Paris. Résultat, beaucoup d’entre eux sont obligés d’aller vivre en grande couronne voire en dehors de la région», regrette le représentant CGT.

Une vraie détermination affichée par ce syndicat qui est certes le premier syndicat à la RATP devant FO, l’Unsa et la CFE-CGC mais pas le premier chez les conducteurs de métro et de RER, rappelle-t-on à la maison mère. Chacun prêche pour sa paroisse et abat ses cartes donc, alors qu’en parallèle des NAO se négocient les accords par branches sur le montant des compensations que versera la RATP à ses salariés qui auront travaillé durant les JO. «Aujourd’hui, on nous explique que si les NAO ne sont pas importantes, c’est parce qu’il y aura une cession de rattrapage avec les JO, sauf que les discussions ne sont toujours pas terminées et que tous les salariés ne seront pas logés à la même enseigne». En attendant, la CGT se laisse libre de débrayer à tout moment.