Les blocages des agriculteurs autour de l’Île-de-France pourraient-ils menacer le bon approvisionnement des bars et restaurants parisiens ? Si les craintes autour de l’éventuelle occupation du marché de Rungis semblent s’être envolées, il n’en demeure pas moins que des premières difficultés se font sentir, à la fois en termes de fréquentation mais aussi de livraisons. «Ça se passe plutôt bien mais il nous manque un produit, une viande qui n’a pas été livrée à notre fournisseur», assure Maxime, déballant sa livraison de vin dans son restaurant du 9e arrondissement, avant de lancer, confiant : «On s’adapte.»

«Pour l’instant, nous n’avons pas vraiment de problème de livraison», tempère également Matthieu, restaurateur dans l’hypercentre parisien, qui a tout de même relevé l’inquiétude de ses livreurs, qui lui ont confié «avoir davantage de problèmes pour livrer en dehors de Paris qu’en plein centre». La faute à l’un des nombreux points de blocage toujours occupés par les agriculteurs aux abords de Paris, sur l’A4, l’A6, l’A10 mais aussi l’A15.

À cette heure, les forces de l’ordre restaient en ordre de bataille pour les empêcher d’approcher le marché de Rungis, garde-manger de la région francilienne où s’approvisionnent de nombreux restaurateurs. Si le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a estimé qu’un tel blocage n’était «pas une bonne idée», un convoi d’agriculteurs partis d’Agen poursuivait toujours cet objectif ce mardi matin, jouant au jeu du chat et la souris avec les policiers.

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«Pour l’instant, les acheteurs à Rungis nous disent qu’ils ont surtout été gênés par le nombre de camions de policiers pour rentrer», sourit Franck Drouet, délégué général du Groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR). La veille, la Semmaris – chargée d’administrer le marché de Rungis et d’organiser ses activités commerciales – faisait état d’un léger ralentissement à l’arrivée des camions sur le site, «de l’ordre de 5 minutes».

Les perturbations restent donc encore limitées, ce qui n’a pas empêché certains restaurateurs d’anticiper d’éventuels retards de livraisons et de prendre leurs précautions. «On a anticipé en se faisant livrer plus avant le début de la semaine», témoigne par exemple Niry, patronne d’une brasserie dans le 9e arrondissement. Si les difficultés de livraison venaient à s’intensifier, «on s’adaptera», philosophe Franck Drouet. «On essaiera de trouver d’autres produits, on réduira la carte et, au pire, le nombre de couverts. Mais on n’en est pas là !»

Mais si les frigos sont pleins, certains restaurateurs redoutent surtout de voir leurs salles se vider. Franck Drouet évoque «des annulations de personnes qui devaient venir à Paris en voiture ou en car», qui ont préféré ne pas s’aventurer jusqu’à la capitale de peur de se retrouver pris au piège des blocages. «On constate un retour du télétravail avec des réunions qui basculent en visio par précaution», et donc un peu moins de monde dans les restaurants, abonde Frank Delvau, président de la section francilienne de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie-restauration (UMIH).

Pour preuve selon lui, il y a rarement eu aussi peu de bouchons en Île-de-France ce mardi matin, avec des routes et un périphérique fluides. Une impression confortée par la faible courbe de bouchons affichée par le site spécialisé Sytadin.

Lui craint une nette baisse de l’activité en cette fin janvier, déjà fortement perturbée par l’épisode neigeux des semaines passées. Ce mardi, il évoque même des annulations de nuitées dans les hôtels, «de l’ordre de 15% environ». En outre, les restaurateurs comptent surtout sur la solidarité des agriculteurs, qu’ils disent soutenir dans leur combat. «On achète leurs produits, au bon prix, on les valorise dans nos restaurants, pointe Franck Drouet. À eux de faire en sorte que ce soit possible de continuer à les faire vivre pendant le mouvement».