«L’identité offensive, c’est non négociable.» En débarquant au PSG, Luis Enrique ne faisait pas de secret sur ses intentions en termes de jeu. Et ce pour le plus grand plaisir de Nasser Al-Khelaïfi, désormais plus intéressé à l’idée de prendre du «plaisir» en voyant son équipe jouer et de construire sur le long terme que par «les résultats immédiats». «Si on ne pense pas qu’on peut jouer de manière offensive, on ne vient pas. C’est ma philosophie», avait ajouté le technicien espagnol, obsédé par la possession, le contrôle, la maîtrise. Un dogme qui n’est pas nouveau pour l’ancien entraîneur du FC Barcelone. Et qu’il a réussi à insinuer dans le vestiaire parisien petit à petit.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, avec 65% de possession en championnat (1er) et 62,5 en C1 (2e). Sauf que le discours de «Lucho» a fait naître certaines fausses idées : la possession n’est pas forcément synonyme de pluie de buts, et encore moins sur ces fameuses phases de possession. Éric Roy l’a bien compris. «Face à cette équipe du PSG, tu es souvent le plus en danger quand tu as le ballon», résumait le coach brestois, après le nul 2-2 au Parc des Princes, en championnat, il y a une dizaine de jours. Les Bretons avaient trouvé la clé en seconde période, comme à l’aller (victoire du PSG 3-2).
Avant l’acte III, ce mercredi (21h) en 8es de finale de Coupe de France, aucun des deux coaches ne sera surpris par les plans de son homologue. «L’avantage de jouer cette équipe deux fois en aussi peu de temps, c’est qu’on connaît les difficultés que nous allons rencontrer. C’est l’une des meilleures équipes du championnat, c’est pour cela qu’ils sont troisièmes. On devra être meilleur avec et sans le ballon par rapport à la dernière confrontation afin d’amener le match sur notre terrain», jure Luis Enrique avant ce «match très difficile», une «finale» pour le technicien de 53 ans, désireux de «gagner le plus de trophées possibles» au cours de sa première saison à Paris.
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À noter que les données seront sensiblement différentes cette fois, sachant que Brest devra faire sans la plaque tournante de son milieu, Pierre Lees-Melou, tandis que le PSG sera privé de Lucas Hernandez et de l’un de ses buteurs du match retour, Randal Kolo Muani. Luis Enrique récupérera néanmoins de deux ses flèches offensives, Bradley Barcola et Ousmane Dembélé, respectivement suspendu et ménagé lors de la victoire à Strasbourg (1-2). Deux de ses meilleurs atouts pour briller en transition, le point fort de ce PSG paradoxal. Car oui, plus que sur les longues phases de possession, c’est quand le PSG récupère bien, vite et haut qu’il est le plus saignant. Exactement comme l’a dit Roy. N’en déplaise à Luis Enrique, qui se vexe facilement ces dernières semaines. «Chacun voit les choses à sa façon. On a le ballon. On est beaucoup plus fort quand on a la balle. Les statistiques sont là. Celui qui n’aime pas ça n’a qu’à pas les regarder», grince le coach ibérique, qui s’appuie sur les chiffres quand ça l’arrange et qui rappelait dernièrement qu’il n’a «pas signé pour ça», c’est-à-dire jouer le contre.
Et de poursuivre : «Notre idée de jeu est très claire. Les résultats le reflètent, le contenu des matches aussi. Je n’ai aucun doute sur la façon de jouer de l’équipe mais ça ne veut pas dire que l’adversaire ne peut pas mieux jouer que nous. Il y a un adversaire. C’est arrivé en championnat et en C1. Après, ce que les gens aiment plus ou moins, ça ne m’intéresse pas beaucoup, je veux que mon équipe joue comme je l’aime.» L’ancien sélectionneur espagnol ne peut toutefois pas changer la nature de ses joueurs : ils sont quasi tous taillés pour les grands espaces, plus que pour tricoter dans la surface adverse.
C’est évidemment vrai pour Kylian Mbappé, qui en a mécaniquement moins, des espaces, en jouant dans l’axe, mais aussi pour Barcola, Dembélé et Kolo Muani. Gonçalo Ramos est plus à même de servir dans le jeu de position, notamment sur les centres et en pivot, mais Luis Enrique ne lui accorde aucune confiance. C’est de pire en pire pour le Portugais, régulièrement cantonné au banc, même quand il y a des absents devant. Marco Asensio en profite pour se faire la cerise avec trois buts sur les quatre derniers matches.
Toujours est-il que la possession à outrance devrait au moins permettre aux Parisiens de limiter le nombre d’occasions de l’adversaire. Sauf que ce n’est pas forcément le cas. Notamment en seconde période, ils ont tendance à baisser en termes d’intensité et de rythme. Et ce même si les adversaires courent mécaniquement davantage. «Si vous avez la possession et que vous faites circuler le ballon de manière adéquate, l’adversaire va courir plus que vous», constate Luis Enrique, écartant par ailleurs tout problème physique au sein de son effectif. Une chose est sûre : le Paris Saint-Germain «made in Luis Enrique» ne se mettra pas à jouer le contre et à laisser la maîtrise à l’adversaire. «Je n’ai pas signé pour ça», assénait-il encore récemment. Transitions et possession sont condamnées à faire bon ménage dans le PSG de Luis Enrique. C’est d’ailleurs sur ce genre d’attaques rapides que Paris a le plus souvent été dangereux par exemple en Ligue des champions. Reste à trouver le juste équilibre. Dernièrement, c’est plutôt la fébrilité qui saute aux yeux, à l’image de Strasbourg, quand Paris avait subi une vingtaine de tirs.
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Reste à savoir si Luis Enrique a réellement l’effectif pour jouer le jeu qu’il aime, que ce soit devant ou dans les autres compartiments du jeu, où il faut sans cesse répéter les efforts pour donner des munitions aux attaquants. «Le coach est arrivé avec des idées claires… mais avec beaucoup d’idées. Le temps qu’on assimile tout cela, aussi bons que soient les joueurs, ça prend du temps. Mais je pense qu’on commence à voir des choses qui sont intéressantes et que c’est beaucoup plus structuré. On voit qu’il y a quelque chose qui se dessine, non ? Après, peut-être que je suis fou», souriait Mbappé, qui n’a d’ailleurs toujours pas annoncé sa décision sur son avenir, en janvier, après le Trophée des champions. L’avenir dira si le tableau relève de l’œuvre d’art.
Le huitième de finale de C1 contre la Real Sociedad, les 14 février et 5 mars, donnera une idée. «La dynamique ne peut pas être meilleure», argumente Luis Enrique, dont l’équipe n’a plus perdu depuis Milan (2-1), en novembre. En attendant, pas question de penser à la coupe d’Europe dès maintenant : «Je ne peux pas penser au match d’après. Il n’y a que Brest, c’est une finale et tous les joueurs doivent être à 100%, sans quoi, ils ne seront pas dans l’équipe. Il n’y a pas de match plus important que Brest, sans quoi, mes décisions seraient très claires.» Le discours l’est assurément aussi, à défaut du reste.