Comme une triste fatalité, les années se suivent et les profils des personnes surendettées se ressemblent. En 2023, la Banque de France, qui publie ce jeudi son rapport annuel sur la question, a reçu 121.617 dossiers de surendettement, un chiffre en hausse de 8% par rapport à l’année précédente. Parmi ces dossiers qui permettent aux personnes qui ne parviennent pas à rembourser leurs dettes de bénéficier d’un accompagnement (conciliation, renégociation, effacement…), près de 42% étaient des redépots. Sur le plan géographique, on constate que ce sont «les mêmes départements» qui se démarquent d’année en année, selon Hélène Arveiller, directrice adjointe de la branche des particuliers à la Banque de France. Les départements du Nord, touchés entre autres par la désindustrialisation, présentent quasiment tous plus de 300 dépôts de dossiers pour 100.000 habitants. De nombreux départements du centre de la France, comme le Loiret et le Cher, présentent un taux de dépôts compris entre 250 et 300 dossiers. Les zones de l’Ouest et du Sud-Est sont, quant à elles, plus épargnées, la plupart des départements y affichent un taux de dépôt inférieur à 250 dossiers. Au 31 décembre 2023, le nombre de personnes identifiées comme surendettées en France métropolitaine s’établissait au total à 586.000, en recul par rapport à fin 2022 (621.000).
Les personnes vulnérables et victimes d’accident de la vie (divorce, décès d’un proche, maladie…) sont, sans surprise, surreprésentées. Ainsi, 58 % ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté monétaire (1158 euros par mois et par personnes). Seulement 8 % des ménages surendettés ont un niveau de vie supérieur ou égal au revenu médian de l’ensemble de la population. Par ailleurs, la majorité (52%) des ressources des surendettés provient de revenus d’activité, mais ce taux est dix points inférieur à celui de l’ensemble des ménages. Cet écart se retrouve dans la part des personnes surendettées qui ont un emploi salarié (seulement 35% quand elle est de 45% dans la population). Mécaniquement, le taux de leurs revenus provenant des minima sociaux (10%) est 3,5 fois supérieure à celle de l’ensemble des ménages. Les dossiers de surendettement voient également une surreprésentation des personnes séparées, célibataires ou veuves (56% contre 41% dans la population) et des familles monoparentales (20% soit deux fois plus que dans l’ensemble de la population). Dans l’immense majorité des cas (90%), ces familles monoparentales surendettées sont dirigées par des femmes. Ce fait explique en grande partie la surreprésentation des femmes dans l’ensemble des dossiers (54% contre 52%).
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En 2023, l’endettement contracté par l’ensemble des ménages surendettés s’élève à 4,2 milliards d’euros, un montant stable sur un an. Hors dette immobilière, l’endettement médian par dossier s’établit à 16.898 euros. Entre 2022 et 2023, la proportion des dettes liées à des crédits à la consommation – le plus lourd pôle d’endettement – a progressé d’environ deux points atteignant 40% du total (1,7 milliard d’euros). Presque les trois-quarts des dossiers comportent au moins une dette à la consommation. En revanche, la part de l’immobilier dans l’endettement a reculé à 27% en 2023, soit deux fois moins qu’il y a 5 ans. «La dynamique de la croissance des nouveaux crédits à l’habitat jusqu’en 2022 ne s’est pas traduite, jusqu’à présent, par une augmentation du surendettement des ménages qui ont souscrit ces prêts immobiliers», note la Banque de France.
Dernière source de dettes, la part des charges courantes et autres dettes (33%) a augmenté de 9 points dans l’endettement total depuis 2015. Parmi ce type de dette, le poids des charges liées aux factures d’énergie et de communication est en légère augmentation passant d’un endettement médian par ménage surendetté de 1107 euros en 2022 à 1182 euros en 2023, dans le sillage des augmentations sur les factures de gaz et d’électricité. Malgré tout, « cette hausse reste modérée, constate Hélène Arveiller, le bouclier tarifaire semble avoir fait son effet, mais sa levée progressive dans les mois à venir est un point de vigilance». Dans l’ensemble, ces chiffres montrent une «normalisation» après des années Covid et post-Covid «atypique», développe l’experte. Et malgré la légère augmentation du nombre de dossiers déposés, ce chiffre demeure 15% inférieur à celui de 2019. Il a même été réduit de moitié depuis 2014. Ces «bonnes» nouvelles, la directrice adjointe les attribue à «un meilleur encadrement des crédits à la consommation» depuis notamment la loi Lagarde adoptée en 2010 et à la réduction du taux de chômage.