François Mitterrand au lieu d’Emmanuel Macron, Helmut Kohl plutôt qu’Angela Merkel… Coutumier des bourdes en public, le président américain Joe Biden a enchaîné les confusions plus préoccupantes ces derniers jours. Le chef d’État, qui briguera en novembre un second mandat à l’âge de 81 ans, a tenu à organiser une conférence de presse à la Maison-Blanche, jeudi 8 février au soir, afin de réfuter les allégations sur la dégradation de ses facultés mentales. Il n’a fait qu’empirer la situation, en désignant le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi comme «le président du Mexique».

La carrière de Joe Biden est émaillée de bourdes et de maladresses. En 2008 déjà, lors d’un meeting, le futur colistier de Barack Obama avait demandé au sénateur Chuck Graham de se lever alors qu’il était en fauteuil roulant. L’année précédente, il avait qualifié le futur président de «premier Afro-Américain mainstream (…) éloquent, brillant, propre et beau». En 2010, il avait pleuré la mort de la mère du premier ministre irlandais, alors qu’elle était encore vivante. Les bourdes passées de celui qui se surnommait lui-même la «machine à gaffes» ont parfois prêté à sourire. Mais depuis le début de son mandat, ses déclarations parfois lunaires inquiètent et interrogent sur son état de santé mentale.

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Joe Biden n’est pas encore président, mais il s’apprête à l’être. Au premier jour de l’élection américaine, le 3 novembre 2020, le candidat démocrate prononce un discours devant ses partisans, à Philadelphie. Alors que son adversaire Donald Trump a régulièrement fait part de ses soupçons de sénilité durant la campagne, Joe Biden présente à la foule son fils Beau, «que beaucoup parmi vous ont aidé à élire au Sénat du Delaware». Problème : le fils aîné du futur président est décédé en 2015. Joe Biden enchaîne ensuite en confondant deux de ses petites-filles.

Élu depuis moins d’un an et demi, Joe Biden doit composer avec l’invasion russe de l’Ukraine. Au début de la guerre, les États-Unis représentent un soutien inconditionnel de Kiev, qu’ils fournissent en armes et en aide financière. Mais lors de son discours annuel sur l’état de l’Union, le 1er mars 2022, le 46e président des États-Unis confond le peuple ukrainien… et le peuple iranien. «Poutine peut encercler Kiev avec des chars, mais il ne gagnera jamais le cœur et l’âme du peuple iranien», clame-t-il. Derrière lui, sa vice-présidente Kamala Harris le reprend en chuchotant.

Lors d’un discours sur l’avortement, prononcé en juillet 2022 à la Maison-Blanche, Joe Biden a un peu trop «collé» au texte de son prompteur, en lisant une incise concernant le fond plutôt que la forme. À un moment de ce discours immortalisé par les caméras, on entend le président américain prononcer tout haut la consigne «répéter la ligne» («repeat the line», en anglais) avant d’enchaîner en répétant, effectivement, une citation prononcée quelques secondes plus tôt. Ses équipes ont bien tenté, après coup, d’enterrer cette nouvelle bourde, mais sans convaincre.

En déplacement en Arabie saoudite, le 16 juillet 2022, Joe Biden a échangé deux mots qu’il paraît pourtant bien difficile de confondre en français. Mais ils sont presque «jumeaux» en anglais : selfishness et selflessness. Le président américain a donc honoré «la bravoure et l’égoïsme des Américains ayant servi dans la région», au lieu de «l’altruisme». Ce lapsus a légèrement crispé l’auditoire.

Lors d’un discours consacré à la lutte contre l’obésité et l’insécurité alimentaire, Joe Biden s’est adressé à une parlementaire républicaine… décédée. «Je veux remercier tous ceux qui sont ici», avait déclaré Joe Biden en mentionnant deux parlementaires particulièrement impliqués sur ces sujets. Et d’ajouter : «Où est Jackie ?» Il a dans la foulée semblé chercher dans la salle l’ancienne membre de la Chambre des représentants Jackie Walorski, élue républicaine de l’Indiana décédée début août dans un accident de voiture, qui était très engagée dans la lutte contre la malnutrition.

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Là encore, la nuance est faible en anglais. Lors d’un déplacement au Cambodge à l’automne 2022, Joe Biden a tenu «à remercier le premier ministre pour le leadership de la Colombie au président de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est)». Il se tenait en réalité à côté du premier ministre cambodgien Hun Sen. La Colombie, pays d’Amérique du Sud, semble être dans l’esprit du président américain, car il a commis la même erreur en quittant la Maison-Blanche pour son long voyage en Asie. Il a déclaré aux journalistes qu’il «se dirigeait vers la Colombie» («Colombia» en anglais NDLR), avant de se corriger rapidement pour dire «je veux dire, le Cambodge» («Cambodia»).

D’aucuns pourront justifier cette séquence lunaire par le décalage horaire. Elle demeure pourtant l’une des saillies les plus incompréhensibles du président démocrate. En déplacement au Vietnam, le 12 septembre 2023, Joe Biden s’est illustré lors d’une conférence de presse où il a enchaîné les confusions. «On est le soir, n’est-ce pas ?» a-t-il demandé, dès le début de son intervention. Avant d’évoquer le réchauffement climatique en se lançant dans une comparaison hasardeuse avec un film de John Wayne. «Il y a un film sur John Wayne. C’est un éclaireur indien. Et ils essaient de ramener les… je pense que c’était les Apaches… Une des grandes tribus d’Amérique dans la réserve (…) Et l’éclaireur indien… L’Indien regarde John Wayne, désigne le soldat de l’Union et dit : “C’est un soldat poney menteur à tête de chien”», bafouille Joe Biden. Et d’ajouter : «Eh bien, il y a beaucoup de soldats poneys menteurs à tête de chien sur le réchauffement climatique.»

Joe Biden avait déjà évoqué cette référence en 2020, lorsqu’il avait répondu à une étudiante lors d’un meeting électoral. Elle n’est pourtant pas claire, même pour le cinéphile le plus averti. Dans La Charge héroïque, de l’immense réalisateur américain John Ford, une voix off mentionne bien des «soldats à tête de chien», mais il n’est pas question de «menteur» ou de «poney».

Lors de cette même conférence de presse, le président américain a qualifié le Vietnam de… pays du «tiers-monde». Un commentaire qui a nécessité l’intervention de la porte-parole de la Maison-Blanche Karine Jean-Pierre. Laquelle a coupé le micro de Joe Biden, désemparé face aux nombreuses questions, et conclu la conférence de presse. Presque perdu, il a quitté son pupitre sur cette phrase plus que mystérieuse : «Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais moi je vais aller me coucher…»

En novembre 2023, lors d’un événement de Thanksgiving sur la base navale de Norfolk en Virginie, Joe Biden s’est également largement trompé sur l’âge d’une fillette, provoquant un malaise général dans l’auditoire. Vers la fin de son discours, le président américain s’est adressé à une petite fille qui semblait porter des oreilles de chat en peluche en guise de serre-tête. «J’aime tes oreilles, je les aime, elles sont vraiment cool. Quel est ton nom ?», lui a-t-il ainsi demandé. La fillette, hésitante, baisse les yeux timidement en répondant : «Catherine». «Quel joli nom. C’est le nom de ma maman… Quel âge as-tu ? Dix-sept ans ?»,

demande alors le président.

Un petit garçon à côté répond à sa place, déclarant qu’elle en a 6. Faussement surpris, Biden enchaîne : «Six ans ?», avant de diriger son attention vers le garçon, le taquinant en lui demandant s’il avait lui-même 15, ce à quoi l’enfant déclare en avoir «quatre». «Quatre ans? Tu es un gars assez grand. Eh bien, je vais te dire, sois gentil avec ta sœur. Tu auras besoin d’elle un jour».

La dernière confusion en date a fait beaucoup de bruit en France car elle la concerne directement. Lors d’un rassemblement politique dimanche dernier à Las Vegas, Joe Biden a confondu Emmanuel Macron et François Mitterrand. «Vous savez, juste après mon élection, je me suis rendu à ce qu’on appelle une réunion du G7, c’est-à-dire de tous les dirigeants de l’OTAN», a-t-il expliqué, «c’était dans le sud de l’Angleterre. Je me suis assis et j’ai dit : L’Amérique est de retour ! Et Mitterrand, d’Allemagne – je veux dire, de France, m’a regardé et m’a demandé : pour combien de temps êtes-vous de retour ?» Pour rappel, François Mitterrand est mort en 1996. Quelques jours plus tard, à l’occasion d’un événement de campagne, le président américain a évoqué une autre conversation qu’il aurait eue en 2021… avec l’ancien chancelier allemand Helmut Kohl, décédé en 2017.