Royal. Voilà le maître-mot qui guide la philosophie du Disneyland Hotel, rouvert le 25 janvier après plusieurs années de travaux qui l’ont transformé en «château hors du temps» rendant hommage aux personnages royaux du catalogue Disney. Dans l’hôtel qui trône à l’entrée du parc d’attractions de Marne-la-Vallée et qui se veut le plus immersif d’Europe, les princesses et princes sont partout : dans les couloirs à saluer les visiteurs, en peinture au-dessus des lits dans les chambres, et même à la boutique de l’hôtel, où des dizaines d’enfants se transforment chaque jour en achetant leur robe ou costume de chevalier dans l’espace tailleur.
Royal, le service espère l’être aussi dans cet établissement cinq étoiles – unique pour un parc de loisirs sur le Vieux continent. Conciergerie, spa, buffet à volonté bien garni (en supplément) et même un restaurant gastronomique à 120 euros le menu… pour manger dans la salle de bal de La Belle et la Bête. Sans compter les suites, thématisées elles aussi, situées dans un espace indépendant de l’hôtel qui dispose de son propre accès au parc.
«C’est plus qu’un coup de peinture sur les murs : on est retourné au béton pour tout reprendre», raconte Tom Muller, concepteur scénographe chez Walt Disney Imagineering Paris. Le complexe de loisirs a beaucoup misé sur la rénovation de cet hôtel haut de gamme et immersif pour réaffirmer sa position de leader européen des parcs à thème. Il avait déjà entièrement repensé en 2021 son hôtel New York, à cinq minutes à pied des parcs, en le thématisant sur l’univers Marvel.
C’est qu’en face, la concurrence se durcit. Si Disneyland a de l’avance avec ses 5700 chambres construites dès son origine en 1992, les autres parcs français se sont massivement convertis à l’hôtellerie ces dernières années. Au Parc Astérix (Oise) par exemple, on s’est contenté d’un petit hôtel de 100 chambres pendant 20 ans, avant d’engager en 2017 un plan d’investissement pour porter la capacité à 450 chambres avec deux nouveaux hôtels et l’extension du premier. Le dernier né en 2020, Les Quais de Lutèce, pousse l’immersion au maximum dans une rue de Paris au temps des Gaulois.
Au Puy du Fou (Vendée), six hôtels ont poussé depuis 2007, plongeant les visiteurs dans une villa gallo-romaine, une citadelle médiévale, ou encore au domaine de Marly. Le Futuroscope (Vienne), qui profitait déjà de 1500 chambres à proximité du parc, s’est aussi lancé avec deux hôtels thématisés en 2022 et 2023. Des investissements conséquents, souvent équivalents à ceux consentis pour les plus grosses attractions : le dernier hôtel d’Astérix (32 millions d’euros) a coûté presque aussi cher que la nouvelle zone Toutatis inaugurée en 2023 et sa montagne russe de tous les records (36 millions).
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Avoir des hôtels près de son parc d’attractions, à part chez les géants Disney, Europa-Park et PortAventura, «cela se faisait peu», reconnaît Arnaud Bennet, président du Snelac, qui représente la profession, et patron du Pal (Allier). S’ils s’engouffrent dans cette stratégie, c’est d’abord parce que leur marché est en pleine expansion : depuis la pandémie, les parcs battent chaque année des records de fréquentation. Les visiteurs sont de plus en plus friands de ce type de sortie, et demandeurs d’hébergements pour y passer un séjour. D’autant que l’ajout continu de nouveautés rend de plus en plus difficile la visite en un jour.
Grâce aux hôtels, les parcs parviennent à séduire une clientèle bien plus large, qui peut se permettre de faire plus de route car elle reste dormir sur place. Nicolas de Villiers, président du Puy du Fou, a observé «une évolution du visitorat» avec les hôtels, avec l’arrivée de clients venus de Lyon, Lille ou Marseille, qui étaient assez éloignés du parc vendéen.
Et cela marche même au-delà des frontières : le Parc Astérix atteint «15% de visiteurs étrangers, contre à peine 8% il y a quelques années», pointe son directeur général adjoint Guy Vassel. «On a 20% de Suisses dans nos hébergements au Pal, confirme Arnaud Bennet. Ils ne seraient jamais venus sans l’hôtel !» Au Futuroscope, certaines visites au parc «ont même été déclenchées par l’envie de voir l’hôtel Station Cosmos», assure le patron Rodolphe Bouin.
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Un visiteur qui reste à l’hôtel, c’est aussi un visiteur qui dépense plus. Non seulement parce qu’il reste plus longtemps, mais aussi parce qu’ayant plus de temps pour profiter du parc, il prend plus volontiers son temps entre deux attractions pour flâner dans les boutiques ou faire une pause goûter. «Les notes de satisfaction sont nettement plus élevées chez les visiteurs qui ont séjourné à l’hôtel», ajoute Rodolphe Bouin. La thématisation permet de poursuivre l’immersion de la journée hors du parc le soir pour une expérience globale.
Les hébergements des parcs de loisirs affichent un taux de remplissage à faire pâlir l’industrie de l’hôtellerie : 97% pour Station Cosmos, 98% pour les hôtels du Puy du Fou… Et même, régulièrement, des week-ends complets, voire des semaines entières l’été. «On est totalement saturé, c’est difficile de répondre à la demande», sourit Arnaud Bennet.
Pour les parcs, cela permet également de lisser les pics de fréquentation en poussant les visiteurs à choisir des dates moins demandées. Avoir un hôtel bien rempli, c’est aussi s’assurer d’un minimum quotidien de clients ayant prévu leur date de visite à l’avance pour garantir une fréquentation suffisante dans le parc, pour que la journée soit rentable, même pluvieuse.
Sans compter que l’hôtel est un produit rentable en lui-même : contrairement à une nouvelle attraction, ce n’est pas une charge qui pèse en plus sur le budget d’exploitation du parc. La plupart des parcs fermant l’hiver arrivent même à faire vivre leurs hôtels pendant la période creuse en accueillant des séminaires d’entreprises.
Tous comptent bien poursuivre cette stratégie. Au Puy du Fou, on «prépare de futurs hôtels», glisse Nicolas de Villiers, quand Rodolphe Bouin confirme «réfléchir à un troisième hôtel» au Futuroscope. Le Parc Astérix a déjà confirmé qu’un quatrième hôtel «sur la thématique des voyages d’Astérix» devrait ouvrir en 2026. Un cinquième serait même déjà en réflexion.