Des artistes qui remplissent de très grandes salles, des comedy-clubs qui drainent un public jeune et les réseaux sociaux vecteurs puissants de publicité : le marché de l’humour se porte bien, observent les acteurs du secteur, sans masquer certaines fragilités. Il y a ceux qui tournent depuis plus de dix ans et remplissent des Palais des congrès des mois à l’avance, tel le trio Jéremy Ferrari, Arnaud Tsamère et Baptiste Lecaplain, dont plusieurs dates l’an prochain sont indisponibles. Ceux plus récents mais qui cartonnent, comme Paul Mirabel, dont le show Par amour est complet en 2024 et déjà programmé en 2026 pour une tournée des Zénith. Ou Redouane Bougheraba, qui enchaînera le Stade vélodrome de Marseille (60.000 personnes), l’Accor Arena à Paris et celle de Lyon en juin. Ceux aussi qui ont été révélés sur scène, à la télévision, au cinéma ou sur YouTube, et que l’on retrouve dans le jeu Lol, qui rit sort (dont la saison 4 sort le 16 février sur Prime Video, avec Jérôme Commandeur, Marina Foïs, Alison Wheeler, McFly et Carlito, entre autres).
Des «réussites incroyables» qui attestent d’«une dynamique très forte en ce moment», estime auprès de l’AFP Jean-Marc Dumontet, premier producteur de spectacles (humour, théâtre, etc.) indépendant à Paris et en France. L’une de ses salles parisiennes, le Point Virgule, où Florence Foresti a fait ses débuts, «a battu des records de fréquentation l’année dernière, avec 90.000 spectateurs contre 80.000 à 85.000 précédemment», dit-il. Cette dynamique est aussi portée, selon lui, par les «comedy-clubs qui se sont montés», permettant à de jeunes artistes de passer 10 à 15 minutes sur scène. C’est «tout un écosystème qui essaime, lance de jeunes pousses, se professionnalise et ouvre des places pour beaucoup de monde».
Ainsi, les propositions de one-man-show et stand-up ne manquent pas. Sur le plan national, «le nombre de spectacles d’humour déclarés a évolué de 5,9% entre 2019 et 2023, en passant de 18.659 à 19.759», indique Romain Laleix, directeur général délégué du Centre national de la musique. Le CNM, organisme public créé il y a quatre ans pour soutenir le secteur professionnel de la musique et des variétés (humour, cabarets, spectacles musicaux) réalise chaque année une étude sur l’économie du spectacle.
Un nombre à mettre au regard de la croissance du spectacle vivant toutes esthétiques confondues sur la même période, qui a été de 19,4%. «En nombre de représentations proposées, en 2023, l’humour représente 28% du volume total des spectacles de musique et de variétés, c’est considérable», ajoute Romain Laleix. Quant à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD, qui défend leurs droits), elle a relevé que les nouvelles œuvres déclarées chaque année auprès d’elle en one-man-show et sketches ont grimpé de 1400 en 2019 à 1900 en 2023.
L’humour a aussi pris de l’importance en région. «L’ascension est vraiment vertigineuse» constate Benjamin Dhooge, gérant du Angers comedy club. Créé il y a quatre ans pour accueillir des humoristes débutants, le lieu a dû augmenter sa capacité d’accueil et offre désormais une riche programmation avec onze artistes professionnels et une vingtaine de débutants. «On remplit 250 places tous les dimanches et les artistes sont payés aux cachets, explique-t-il. Il y a tellement un embouteillage d’artistes à Paris que certains viennent se former en région avec l’ambition de faire une carrière à la Roman Frayssinet ».
Le constat est le même pour le Festival Off d’Avignon, avec 147 «spectacles humour» en 2021, année de reprise après la crise du Covid, 253 l’année suivante et 342 en 2023, selon des chiffres transmis à l’AFP.
Pour autant, quelques bémols pointent à l’horizon. «Les prix des billets sont demeurés stables sur la période (30 euros en moyenne), ce qui contribue au succès auprès d’un large public mais présente aussi une forme de fragilité compte tenu de l’inflation», souligne Romain Laleix. Le secteur tient notamment grâce à des subventions (1,5 million d’euros chaque année du CNM, au titre des aides à la création, la production et la diffusion) qui sont «proportionnellement plus importantes» que dans les autres catégories du spectacle vivant, dit-il.
David Hamelin, vice-président humour de La Scène indépendante (syndicat du spectacle vivant privé), relève que, «du côté des artistes émergents, les résultats sont moindres (comparés aux têtes d’affiche), avec une économie plus fragile», même si «ces deux catégories ne sont pas à opposer». Dans un entretien accordé au Mouv’, le stand-upper AZ (de son vrai nom Azedine Bendjilali) disait : «On a beaucoup plus accès au milieu artistique grâce aux réseaux sociaux». Les artistes publient les meilleurs moments de leur passage sur les réseaux sociaux. C’est ce qui leur permet d’acquérir une notoriété afin de gravir les échelons.