Pas facile de prendre la décision de se faire ligaturer les deux spermiductes (ou canaux déférents), les canaux qui permettent aux spermatozoïdes de sortir des testicules. La vasectomie reste rare mais elle devient moins marginale chez les hommes français. Cette mesure de contraception est assez radicale, et revient peu ou prou à se faire stériliser. Car même si l’opération est potentiellement réversible (dans la moitié des cas dans les 10 ans), il est impossible de le savoir à l’avance. Si l’opération gagne du terrain depuis quelques années en France, elle n’est pas encore entrée dans les mœurs comme dans d’autres pays.
Pourquoi se faire ligaturer ? Ronan Lerigoleur, un professeur des collèges qui a fait le choix d’une vasectomie en 2020, raconte à l’AFP : «J’avais 39 ans, je me suis dit : ”J’ai fait deux gosses, est-ce que j’en fais un autre?” Je savais que je n’en voudrais plus.» Les moyens de contraception masculins sont peu diversifiés. En réalité, la vasectomie et le port du préservatif sont les 2 seuls choix de contraception dont dispose un homme. Médiatisées depuis quelques années, des méthodes alternatives comme les anneaux contraceptifs n’ont pas fait leurs preuves scientifiques.
Dans certains pays, notamment anglo-saxons, les vasectomies sont courantes, même si elles tendent à perdre en popularité. C’est le cas aux États-Unis, en Australie, en Corée du Sud, où plus d’une femme sur dix compte sur la vasectomie de son partenaire pour ne pas avoir d’enfant. En France, la situation est très différente. Autorisées seulement depuis 2001, les vasectomies ont, pendant des années, été réalisées en nombre infime. Certes, la situation semble commencer à changer. Selon une étude, publiée lundi par l’Assurance maladie et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), de plus en plus d’hommes français choisissent cette option. «Le nombre de vasectomies a augmenté chaque année depuis 2010, passant de 1940 vasectomies en 2010 à 30288 en 2022, soit une multiplication par quinze», résument les auteurs de l’étude, supervisée par l’épidémiologiste Mahmoud Zureik.
Désormais, il y a même plus d’hommes que de femmes à choisir une forme de stérilisation. Les auteurs de l’étude y voient en partie la conséquence de l’affaire des implants Essure, couramment utilisés comme méthode de stérilisation féminine avant d’être retirés du marché à la fin des années 2010 à cause d’effets indésirables.
Ce croisement des courbes est aussi lié à la progression des vasectomies. Celle-ci est difficile à expliquer, les auteurs reconnaissant que des «études sociologiques» seraient nécessaires. «La diminution de la lourdeur de la pratique a pu conduire les hommes à davantage recourir à la vasectomie», avance auprès de l’AFP la démographe Mireille Le Guen, spécialiste des questions de contraception. La plupart des vasectomies se font, en effet, désormais lors d’un passage en journée à l’hôpital, alors qu’un nombre conséquent de patients devaient encore y passer la nuit voici quelques années, souvent sous anesthésie générale.
Mais Mme Le Guen reste prudente sur la lecture d’une tendance embryonnaire. Si les vasectomies sont en forte hausse, elles partent de si bas que leur fréquence reste faible: seuls 0,15% des hommes de moins de 70 ans ont fait ce choix en 2022. «Il y a une possibilité que l’on sorte d’une pratique marginale, mais ayons en tête que ça concerne encore très peu d’hommes», note la démographe, qui relève toutefois une «diversification des profils» vers des milieux un peu plus favorisés qu’auparavant.
Il est donc trop tôt pour juger si la vasectomie fait moins peur. Un délai de réflexion de quatre mois reste imposé aux Français tentés par cette opération dont le caractère potentiellement irréversible ne doit pas être pris à la légère. Difficile, aussi, de conclure à un effet de discours féministes de plus en plus visibles en faveur d’un meilleur partage de la «charge mentale» de la contraception, dont la responsabilité revient le plus souvent aux femmes via la pilule notamment. C’est, en tout cas, l’une des considérations qui a animé Ronan Lerigoleur. «Ma femme ne supportait pas toujours bien la pilule», explique-t-il. «Il n’y a pas photo: moi, j’ai eu une opération et c’était réglé. Sinon, elle, c’était à vie.»