Le 9 février 2024, l’agence internationale des tests (ITA) annonce la présence d’ostarine dans un échantillon d’urine de l’escrimeuse Ysaora Thibus. Le composé est un «modulateur sélectif des récepteurs aux androgènes» (ou SARMs dans son acronyme anglais). Lorsqu’il se fixe sur les récepteurs androgènes des cellules de l’organisme masculin ou féminin, l’effet de la testostérone produite naturellement par le corps humain est augmenté, et les muscles prennent en masse. L’ostarine est classée dans la catégorie S1.2 (comme « autres agents anabolisants ») par l’agence mondiale antidopage. Quelle différence avec les produits de la catégorie S1.1 (stéroïdes anabolisants androgènes ou SAA), plus couramment utilisés ?
Les SAA ont plus d’effets secondaires. Ils peuvent engendrer l’apparition de quelques caractères sexuels secondaires masculins chez les femmes comme une voix plus grave et une pilosité accrue. Ces « nouvelles molécules, les SARMs, potentialisent les androgènes que produisent naturellement et en faible quantité les femmes » rapporte le Dr Jean-Christophe Miniot, spécialiste en médecine du sport à la clinique Drouot de Paris. L’ostarine rend les cellules musculaires féminines plus réceptives à la production interne de testostérone ce qui assure une prise de masse musculaire sans effets secondaires. « Ces molécules se détectent en outre moins facilement lors des tests », ajoute en outre le médecin.
À l’origine l’ostarine (ou Enobosarm) avait été développée en 2004 par les laboratoires Merck «pour augmenter la masse musculaire et la densité osseuse chez le sujet âgé ou chez des patients souffrant de fonte musculaire, quelle que soit l’origine de cette fonte», rappelle une étude de 2023. Les tests cliniques n’ont pas été concluants dans la plupart des indications imaginées par les scientifiques, mais la molécule fait toujours l’objet d’essais cliniques, notamment dans le traitement du cancer du sein. La molécule n’a jamais été autorisée sur le marché et ne peut donc être prescrite en dehors d’un cadre expérimental bien défini.
L’annonce des traces de dopage dans un échantillon daté du 14 janvier 2023 a eu «un effet de sidération» pour l’escrimeuse Ysaora Thibus qui a été suspendue le 8 février par la fédération internationale d’escrime. La jeune athlète de 32 ans avait décroché la médaille d’argent au JO de Tokyo en 2021. Elle a été sacrée championne du monde en 2022 puis a obtenu le bronze aux championnats d’Europe la même année. La fédération française d’escrime témoigne d’échanges avec l’athlète : « la tireuse fait part de sa totale incompréhension, de son immense surprise et de son désarroi, elle nie tout acte intentionnel de dopage. Il lui appartient désormais de se défendre selon les dispositions qu’elle jugera utiles de prendre. »