Cet article est issu du Figaro Magazine

Un grand réalisateur sait donner de l’épaisseur à un personnage secondaire en seulement quelques plans ; une grande actrice, elle, sait restituer cette substantifique moelle en exploitant ces instants – même les plus courts – qui lui sont accordés à l’écran. Une prouesse que Rebecca Ferguson accomplit plusieurs fois dans le deuxième volet de Dune, piloté par Denis Villeneuve. Un savoir-faire nécessaire puisqu’elle endosse de très loin le rôle le plus complexe et le plus mystérieux de cette fresque cinématographique adaptée de l’inépuisable œuvre originale de Franck Herbert: Lady Jessica, une femme capable de contrôler les actions des autres par la simple intonation de sa voix, pouvant décider du sexe de l’enfant qu’elle porte tout en pouvant communiquer avec lui.

Elle est pourtant entourée par un casting qui donnerait le tournis à n’importe qui (Timothée Chalamet, Christopher Walken, Léa Seydoux, Javier Bardem, Stellan Skarsgard, Josh Brolin, Charlotte Rampling…), mais cette Suédoise de 40 ans réussit à rendre sa performance mémorable. Rien d’étonnant. Ferguson a été à bonne école. La meilleure, peut-être, pour apprendre à s’épanouir sans être étouffée par une telle équipe rassemblée au milieu de l’une des plus grosses productions de l’année.

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En 2015, alors inconnue du grand public, elle est projetée aux côtés de la plus grande star hollywoodienne dans l’une des franchises les plus célèbres de la planète: Tom Cruise dans Mission: Impossible . Parfaite inconnue, elle doit remplacer Jessica Chastain qui a refusé le rôle d’Ilsa Faust – une espionne censée rivaliser en muscles et en charisme avec Ethan Hunt, campé par Cruise. Là où les «James Bond Girls» marquaient les esprits le temps d’un seul film, Ferguson s’impose comme l’égale de son imposant partenaire en trois épisodes de Mission: Impossible et conquiert le cœur du public.

On l’aura compris, la Nordique ne craint pas de s’emparer de rôles au sang chaud. «Par pitié, vous n’allez pas me demander ce que ça me fait de jouer des femmes puissantes», supplie-t-elle en retirant ses chaussures à talon avant de s’asseoir sur le canapé du Bristol, à Paris, où nous la rencontrons. Taquin, nous lui posons donc cette question-là. Elle contre-estoque d’un «Oh, fuck off», complice et amusée.

Puis s’interrompt pour commander à manger. Une salade verte avec la sauce à côté et «des protéines, comme du poisson ou peu importe.» Triste menu. Nécessaire, sans doute? Elle doit attraper un train juste après la promotion de Dune pour rejoindre le tournage de la seconde saison de Silo, une excellente série produite et diffusée par Apple TV – mais boudée par les audiences (comme toutes les productions de la marque à la pomme). Et un bol de frites», ajoute l’actrice. Ouf!

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Pour ne pas totalement oublier les femmes puissantes, nous lui posons des questions sur la suite de cette carrière qui décolle comme une fusée. «J’adorerais jouer dans des projets plus petits, plus intimes, où on a un peu plus voix au chapitre sur le développement de l’histoire ou des personnages, avoue la comédienne. Le genre de projet que beaucoup de studios ne veulent plus soutenir.» Comme ceux dans lesquels a débuté son coreligionnaire de Dune, Thimothée Chalamet? «Ouais!», répond celle qui ne parle pas français, mais place naturellement des mots de notre langue dans la conversation. «J’aurais dû être française, de toute façon.» Pour les frites? «Non, pour la langue, son mouvement, sa sensation… il y a une attitude. C’est romantique, c’est sexy.» Il n’est jamais trop tard, Rebecca.

Dune, deuxième partie, de Denis Villeneuve. En salles le 28 février.