Implantée sur un premier patient volontaire tétraplégique le mois dernier, la puce cérébrale de Neuralink aurait commencé à faire ses preuves. «Les progrès sont bons, et le patient semble s’être complètement rétabli, sans aucun effet néfaste à notre connaissance. Le patient est capable de déplacer une souris sur l’écran par la simple pensée», a déclaré Elon Musk lors d’une discussion audio diffusée en direct sur la plateforme de médias sociaux X (dont il est propriétaire).
Aucune étude ou donnée n’a toutefois été divulguée. « Neuralink ne partage pas ce qu’il trouve comme les chercheurs dans le domaine public», souligne Adrien Rapeaux, docteur en bioélectronique à l’Impérial college de Londres, qui travaille sur des implants bioélectriques dans le cerveau pour lutter contre les démences (comme les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson). «On ne connaît pas la performance du maniement de la technologie par la personne greffée comme la quantité de clics que la personne fait en le voulant ou sans le vouloir. Ce type d’erreur existe mais on ne connaît pas l’évaluation de ces erreurs pour Neuralink. Les propos d’Elon Musk ne font que confirmer que l’implant fonctionne.» Pas vraiment une surprise selon lui, «d’autant plus que depuis plus de 2 ans on savait qu’il fonctionnait sur les macaques ». «Ces annonces nous encouragent à poursuivre nos recherches », reconnaît-il néanmoins.
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«C’est une bonne nouvelle que leur technologie (qui est superbe) fonctionne, mais il n’est pas surprenant qu’elle puisse permettre au patient de contrôler un curseur», analyse lui aussi Grégoire Courtine, enseignant chercheur à la faculté de Genève en neuroingénierie. Cette expérience avait notamment déjà été réalisée avec succès par le laboratoire américain Blackrock Neurotech qui est même allé plus loin avec son propre implant. Ce laboratoire avance sur son site internet que « certains pionniers utilisent leur BCI [implant, NDLR] pour jouer à des jeux vidéo, utiliser Photoshop et même peindre à l’aide de bras robotiques contrôlés par le cerveau.»
Pour Adrien Rapeaux, Neuralink «est encore loin du pilotage plus complexe d’un exosquelette ou fauteuil roulant. » Elon Musk a de grandes ambitions pour sa technologie comme lutter contre l’obésité, l’autisme, la dépression et la schizophrénie. Rappelons que certains implants existants permettent déjà de limiter les symptômes de Parkinson et de limiter les traitements associés sans pour autant guérir la maladie.
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Comment fonctionnent ces implants cérébraux et celui de Neuralink en particulier ? Le cerveau est un réseau organisé et complexe fait de câbles (les neurones et cellules gliales) qui s’échangent des informations électriques entre eux. Ces informations peuvent être captées à la surface du réseau. Mais les déchiffrer n’est pas évident. « La quantité de signaux captés par les interfaces sont nombreuses et leurs utilisations diffèrent selon la technologie choisie », explique Adrien Rapeaux.
La technologie Neuralink repose sur l’apprentissage du patient, qui doit moduler son activité cérébrale afin de générer des signaux qui seront captés par l’implant puis transformés en une action apprise : comme déplacer un curseur. Neuralink propose un implant avec 3000 électrodes, soit dix fois plus environ que ses concurrents actuels, pour capter un maximum de signaux. Reste à faire la preuve que ces capacités présentent un réel intérêt en pratique.
Autre question brûlante : la manière dont ces implants évolueront dans le temps. « Un tissu cicatriciel se forme autour des implants ce qui modifie la perception et le traitement des signaux du cerveau », rappelle Adrien Rapeaux. Actuellement, il faut ainsi les enlever ou les changer après quelques mois ou quelques années au maximum, ce qui limite les applications potentielles tant la procédure d’implantation est lourde.