«C’est dur, très dur». Devant les enclos exigus des moutons vendéens du Salon de l’Agriculture, Hélène Thouy soupire. La tête de liste du Parti animaliste aux élections européennes s’est fait violence ce dimanche en déambulant dans les allées du pavillon 1. Un terrain miné pour la militante animaliste de 40 ans, qui débute sa campagne en pleine crise agricole.
Si elle exige la fin de l’élevage industriel et intensif, l’avocate de profession ne s’est pas rendue au parc des expositions de la porte de Versailles pour en découdre avec les agriculteurs. «On pense souvent que nous sommes contre les éleveurs. C’est faux. On les rencontre, on discute avec eux. Ils sont totalement victimes de ce système», estime celle qui était déjà allée à leur rencontre lors de la campagne présidentielle de 2022, mais qui n’avait pu obtenir les 500 parrainages nécessaires pour se présenter. Face à un éleveur de vaches bazadaises, Hélène Thouy engage un échange courtois mais ferme contre les conditions d’élevage. La discussion prend fin, sans animosité.
Grand-messe prise d’assaut par les politiques, le Salon de l’Agriculture est l’occasion pour le Parti animaliste de mettre à l’épreuve sa double stratégie de visibilisation et de crédibilisation. En laissant aux associations de défense animale les actions coups de poing, plus clivantes, la formation entend jouer «un rôle de parti politique démocratique et républicain». «Qui sont-ils ?», s’interrogent pourtant quelques curieux amassés autour de la délégation animaliste forte d’une dizaine de personnes, dont quelques élus municipaux en écharpe.
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À près de trois mois des européennes, le Parti animaliste joue gros. Favorisée par un mode de scrutin proportionnel, la petite liste part à l’assaut de ce rendez-vous électoral avec un cap fixe : obtenir les 5% de suffrages nécessaires pour envoyer des députés au Parlement européen. L’ambition est grande. En faisant fi du traditionnel clivage gauche/droite pour s’affirmer comme une formation «transpartisane», le parti parie sur le réservoir d’«électeurs orphelins» pour dénicher ces 5%. «Notre objectif est tout à fait atteignable au regard du contexte actuel. Les partis traditionnels ont déçu», veut croire Hélène Thouy, déjà tête d’affiche du Parti animaliste en 2019.
La stratégie s’était révélée payante aux précédentes élections européennes. Inattendus, les 2,16% du Parti animaliste ont mis un coup de projecteur sur la jeune formation, qui avait nettement devancé les différentes listes de «gilets jaunes» mais aussi celle de l’Union populaire républicaine (UPR) de François Asselineau ou des Patriotes de Florian Philippot. Porté par ce score prometteur, le Parti animaliste ne craint pas de revoir ses ambitions à la hausse. «Notre score de 2019 a été réalisé sans aucun moyen financier et aucune médiatisation. Aujourd’hui, nous y allons dans des conditions différentes, avec certes toujours un déficit de notoriété, mais dotés de moyens plus importants et une détermination très forte», assure Hélène Thouy.
Aujourd’hui, le parti est crédité de 1 à 2% des intentions de vote dans les sondages. Un score relativement faible, qui attise pourtant la convoitise des autres partis, notamment à gauche. Les Écologistes et La France insoumise ont ainsi approché la tête d’affiche animaliste, avec une place sur leur liste à la clé. «À gauche, l’élection se joue dans un mouchoir de poche. S’ils peuvent nous éliminer et récupérer nos voix, ça leur fait moins de concurrents», analyse Douchka Markovic, candidate animaliste et élue au Conseil de Paris. «Ce qui est dommageable, c’est que les un, deux ou trois pour cent que les animalistes vont faire manqueront à d’autres listes qui défendent également le bien-être animal. J’aurais bien aimé qu’ils se rallient à nous», regrette l’eurodéputée écologiste Caroline Roose, également vice-présidente de l’intergroupe «Bien-être et protection des animaux» au Parlement européen.
Mais pas question de céder aux démarchages successifs. «Notre ambition est d’avoir une liste 100% autonome et animaliste. Même si la progression du mouvement animaliste prendra plus de temps, nous faisons le choix stratégique de ne pas faire d’alliance», explique Douchka Markovic. Un choix a priori payant pour le Parti animaliste, dont l’électorat se révèle antithétique de celui des écologistes. D’après une étude de l’Ifop menée lors des européennes de 2019, les viviers de voix écologistes que sont les grandes métropoles se montrent très peu favorables au Parti animaliste. Celui-ci parvient davantage à capter les votes de la classe moyenne inférieure et des milieux modestes dans les territoires périphériques, notamment dans le nord-est et le sud-est de la France.
Détourné des partis traditionnels, cet électorat semble séduit par le discours monothématique du Parti animaliste. Unique cheval de bataille du parti, le thème de la condition animale s’apprête pourtant à être complété en vue du scrutin du 9 juin. Avec un programme élargi à cinq piliers – santé protégée, agriculture d’avenir, terre vivable, panier durable, société apaisée -, le Parti animaliste entend «traiter toutes les questions par le prisme de la question animale», explique Jonathan Lecarderonnel, directeur de la communication des animalistes. Un programme en cours de rédaction qui devrait se retrouver, «pour la première fois dans l’histoire du parti», dans toutes les boîtes aux lettres des Français à l’approche du scrutin.