Une décision sans surprise mais attendue : le tribunal de commerce de Paris a validé lundi le plan de sauvetage du distributeur Casino, dernière grande étape avant la restructuration de sa dette et sa prise de contrôle par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. «Il y a lieu d’adopter le projet de plan de sauvegarde accélérée présenté par la société» Distribution Casino France, a jugé le tribunal, qui devait se prononcer sur au total sept entreprises appartenant au groupe Casino et qui étaient entrées fin octobre en procédure de sauvegarde accélérée.

«C’était ça ou le redressement judiciaire», a réagi Laurent Milazzo, délégué syndical CFDT au CSEC (Comité social économique central) de DCF. Le groupe qui employait fin 2022 50.000 personnes en France sous des enseignes bien connues comme Casino, Franprix ou Monoprix, ne pouvait plus faire face à ses échéances de dette. Dans son jugement, le tribunal de commerce indique évaluer l’endettement du groupe à près de 8 milliards d’euros au total en 2023, dont 3,7 auprès des banques.

La restructuration de la dette de Casino prévoit d’écraser environ 5 milliards d’euros de créances, et est permise par l’apport d’argent frais à hauteur de 1,2 milliard d’euros, dont plus de 900 millions par un consortium de repreneurs comptant les milliardaires Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière ainsi que le fonds d’investissement Attestor. «Après des semaines si incertaines, où la menace était de disparaître, le moment va maintenant venir de redonner des moyens et par là même du souffle au groupe Casino, redimensionné, réorganisé et désendetté», a réagi dans un communiqué de ces repreneurs Daniel Kretinsky. Il indique que «le chemin sera encore long, avec des moments difficiles et requerra beaucoup d’efforts de tous».

Concrètement, les augmentations de capital doivent avoir lieu en mars, au terme desquelles les actionnaires actuels du distributeur, à commencer par le premier d’entre eux Jean-Charles Naouri, seront très massivement dilués. Le futur de celui qui est PDG de cet ancien fleuron de la distribution depuis 2005 n’est pas connu.

À lire aussiCasino : les héritiers de Geoffroy Guichard pleurent leur splendeur disparue et leurs dividendes envolés

«À partir du mois d’avril, l’équipe de direction, emmenée par son directeur général Philippe Palazzi», un ancien de Metro et de l’agroindustriel Lactalis, «mettra en oeuvre un plan ambitieux de réorganisation, d’investissement et de modernisation pour asseoir le développement des enseignes du groupe», notamment Monoprix et Franprix, selon le consortium. Philippe Palazzi avait indiqué mi-janvier qu’un programme d’investissements était prévu à hauteur de 300 millions d’euros par an jusqu’en 2028. Interrogé sur l’avenir de l’équipe actuelle, il avait indiqué prévoir «des changements» mais qu’il «gardera aussi les personnes compétentes».

Ces investissements se feront notamment sur Monoprix, puisque la quasi-totalité des magasins de grande taille, supermarchés et hypermarchés, qui portent l’enseigne historique du distributeur d’origine stéphanoise, vont quitter le giron de Casino. Ce dernier a «topé» avec ses concurrents Auchan, Intermarché et Carrefour pour leur céder 288 magasins et leurs plus de 12.000 salariés, en trois vagues successives entre fin avril et début juillet.

L’opération est très critiquée par les salariés car ce départ de la quasi-totalité des magasins portant l’enseigne historique du distributeur d’origine stéphanoise sera lourd de conséquence sur l’emploi dans les fonctions supports. Du côté du consortium des repreneurs, les engagements pris sont de «préserver l’emploi au maximum», de maintenir un siège à Saint-Etienne et, concernant les salariés qui vont changer d’enseigne, une «mission spécifique de mesure de suivi des conséquences sociales».

Le groupe Casino comptera encore, outre Monoprix qui regroupe aussi l’enseigne Naturalia, un réseau de plus de 6.000 magasins de proximité en régions sous enseignes Spar, Vival ou Le Petit Casino, l’e-commerçant CDiscount, et un millier de magasins Franprix (dont 75% en franchise). «On se réserve le droit de faire appel de la décision du tribunal dans le délai de 10 jours, avant la constitution le mois prochain du nouveau conseil d’administration qui sera l’occasion de nous débarrasser de Jean-Charles Naouri», a réagi Jean Pastor, délégué syndical central CGT du groupe.