Il y a un an déjà, Mediapart, puis RMC Sport avaient déjà révélé une ambiance de travail délétère au sein de la Fédération sous la présidence Moretton. Point commun des deux enquêtes : l’inquiétant nombre de départs au sein de la FFT. RMC Sport décomptant ainsi 130 départs (112 pour Mediapart) sur plus de 400 salariés depuis l’arrivée à la présidence de Moretton. Les méthodes auraient été brutales, à en croire les enquêtes. Ces nombreux licenciements auraient été accompagnés de chèques colossaux pour éviter les attaques en justice pour licenciement abusif. Des cadres de la FFT relatent décrivant notamment «un président qui refuse tout débat après ses interventions» au Conseil supérieur du tennis, organe en principe de contrôle et de vigilance sur la politique fédérale.
Un an plus tard, le climat n’est pas apaisé. Au contraire. «La situation ne s’améliore pas et l’alerte doit être faite avant qu’un drame n’ait lieu». Deux courriers anonymes ont a été récemment adressés aux représentants du personnel de la FFT, dont le dernier révélé samedi par L’Equipe, et dont le Figaro a également pu prendre connaissance, évoque une nouvelle fois des «salariés en détresse». «Certains sont sous traitement chimique pour tenter de retrouver la force d’avancer, d’autres tentent juste de quitter vite cette maison mais les négociations sont stériles alors que ces salariés sont incapables de revenir dans les locaux. Quand va-t-on réagir ?, est-il également précisé dans ce second courrier. Ces «salariés en détresse» annoncent même «150 départs sur 400 salariés en trois ans, du jamais vu», avant de parler «d’injustices», de «manque de reconnaissance» et de «gens qui pleurent dans les couloirs» .
La directrice générale de la Fédération française de tennis (FFT), Caroline Flaissier, issue du monde de l’entreprise, a été «mise à pied» récemment après la révélation de ce courrier de salariés dénonçant leurs conditions de travail. Ils ont décidé de s’adresser directement au Premier Ministre Gabriel Attal. Depuis l’entrée au gouvernement d’Amélie Oudéa Castéra (ex-DG de la FFT) au gouvernement en mai 2022 et afin d’éviter tout risque de conflits d’intérêts, c’est vers le cabinet du Premier Ministre qu’est confiée la supervision d’une Fédération de tennis.
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Depuis le départ d’AOC, c’est peu dire que l’ancien 65e joueur mondial délègue peu. En l’absence du DTN, Nicolas Escudé, officiellement en arrêt maladie depuis octobre et au moins jusqu’à mi-mars, c’est l’ancien président de l’ASVEL qui a sollicité en novembre dernier les 14 candidats pour le choix du successeur de Sébastien Grosjean, au poste de capitaine de Coupe Davis. La méthode avait surpris, d’autant que la DTN est normalement associée à cette tâche. Surtout, l’homme fort de la FFT a géré (presque) à lui seul le dossier sur le déménagement du Rolex Paris Masters à Paris La Défense Arena en 2025. Un dossier important où les dés ont été jetés très vite. Si la FFT a la responsabilité du choix final, certains acteurs du dossier ont reproché le manque de dialogue et de débats.
Et parmi la direction de l’Accor Arena qui accueillait le tournoi depuis 1986, on a déploré l’absence de dialogue. « Notre plus grande frustration c’est l’impression qu’il n’y a pas de projet à Bercy pour 2025. Et que le projet c’est de rester tel quel. Ce n’est pas vrai. Notre projet avait pourtant été très apprécié quand on l’a présenté au printemps à la FFT. La Fédération a bien évidemment le droit de regarder d’autres options. Mais sa décision ne peut être justifiée par le fait que l’on ne répond pas aux normes. Il y a un problème de forme également dans cette histoire. Nous avons été très surpris de découvrir par la presse que la FFT avait quasiment acté sa décision avec des discussions exclusives (avec la Paris Défense Arena) », nous avait déclaré en novembre dernier Nicolas Dupeux, le directeur général de l’enceinte du 12e arrondissement.
Les affaires s’enchaînent ces derniers mois. Une enquête visant la FFT et son président a été ouverte par le Parquet National Financier (PNF) en juillet 2023 sur des soupçons de détournement concernant la billetterie de Roland-Garros. Puis le président de la FFT, est soupçonné de parjure devant la commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein du mouvement sportif. Sous serment, le Lyonnais aurait dans un premier temps minimisé le salaire de son ex-DG (de mars 2021 à mai 2022) devenue ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra. Puis, comme le révélait l’AFP, il aurait assuré que l’enquête ouverte par le Parquet national financier pour corruption et détournements de biens avait été classée sans suite. Or l’enquête a bien été ouverte à ce sujet en juillet à la demande du parquet général. Gilles Moretton est donc pour l’heure soupçonné de parjure concernant des éléments financiers. Ce qui n’a rien d’anodin…
Le dirigeant de 66 ans cristallise les tensions. Et des opposants commencent à faire entendre leurs voix. L’Equipe rappelle dans son édition du jour que l’idée du président de la FFT de rémunérer les présidents de Ligue, voire de comité (entre 4000 et 4500 euros mensuels selon le quotidien sportif) est très mal perçue parmi beaucoup d’élus. Et plusieurs Ligues en colère contre la politique de Moretton envisageraient d’élaborer un programme électoral en vue des élections qui auront lieu en décembre prochain avec l’idée de distinguer le tennis professionnel et le tennis amateur, se sentant « trahi » par un président, plus que jamais sous le feu des critiques et forcément affaibli.
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