Un changement de décor pour la dernière ligne droite. Ce lundi, les 925 parlementaires des deux Chambres sont convoqués par le président de la République, Emmanuel Macron, pour une réunion exceptionnelle du Congrès, au château de Versailles. Après le vote du Sénat, mercredi dernier, validant dans les mêmes termes que l’Assemblée le projet de loi visant à inscrire le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, sénateurs et députés sont appelés à se prononcer une dernière fois sur le texte du gouvernement pour entériner l’inscription de ce droit dans la loi fondamentale.

Pour être définitivement adopté, le texte devra être voté aux trois cinquièmes des membres du Congrès. Sauf énorme surprise, cela devrait largement être le cas, au vu des scrutins survenus dans les deux chambres: le 30 janvier dernier, l’Assemblée a choisi de plébisciter le texte par 493 voix contre 30 avant que le Sénat n’en fasse de même, le 28 février, par 267 voix contre 50. Une victoire idéologique pour la gauche, qui plaide depuis plusieurs années pour que le droit à l’avortement soit inscrit dans la Constitution.

En juin 2022, c’est pourtant une macroniste, Aurore Bergé, alors patronne du groupe Renaissance à l’Assemblée, qui met le sujet sur la table, en déposant une proposition de loi avec pour objectif très clair d’aboutir à un vote positif au Palais Bourbon. En toile de fond, la décision de la Cour suprême des États-Unis, quelques jours plus tôt, de révoquer le droit à l’IVG. Le sujet fait son chemin dans les esprits. Le gouvernement soutient même l’idée, par la voix de la première ministre, Élisabeth Borne. Quelques mois plus tard, en novembre de la même année, une autre initiative, celle de l’Insoumise Mathilde Panot, est largement validée par la Chambre basse, avec l’aval du camp macroniste, envoyant un premier signal positif aux partisans de la constitutionnalisation.

En février 2023, le Sénat, jusqu’alors réfractaire à l’idée, vote à son tour une proposition de loi similaire portée par l’écologiste Mélanie Vogel, après avoir pris soin de réécrire, par l’intermédiaire du sénateur LR Philippe Bas, l’intitulé du texte. Un premier pas vers l’inscription de ce droit dans la Constitution, même si une grande partie des sénateurs LR restent mitigés sur l’utilité d’un tel texte. Emmanuel Macron annonce alors, quelques mois plus tard, en octobre 2023, sa volonté de reprendre l’initiative dans un projet de loi afin d’accélérer le calendrier.

Si l’adoption ne fait aucun suspense à l’Assemblée, un vote conforme est loin d’être acquis à la Chambre haute, où les sénateurs de droite et du centre regardent d’un œil méfiant la formulation – «liberté garantie» – proposée par l’exécutif. En coulisses, plusieurs élues s’activent pour plaider le «oui», comme les sénatrices centristes Dominique Vérien et Annick Billion. Avec un résultat finalement favorable, une majorité du groupe LR comme des centristes votant finalement le texte du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, la semaine dernière.

Désormais, tous sont donc attendus à Versailles, dans la mythique salle du Congrès, à partir de 15 h 30, ce lundi. Un très vaste Hémicycle construit en 1875, dans une partie du château fermée au public, l’Aile midi, qui fut le lieu de résidence des enfants de Louis XIV. Un somptueux décor aux nombreuses références monarchiques dans lequel sont convoquées, depuis le début de la Ve République, toutes les réunions des deux chambres visant à adopter les révisions constitutionnelles, et, depuis 2008, à entendre une déclaration du président de la République. Séparation des pouvoirs oblige, Emmanuel Macron ne sera pas présent à Versailles ce lundi. La séance sera présidée par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. Ce sera le premier ministre, Gabriel Attal, qui prendra tout d’abord la parole, pour défendre l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution.

Seuls deux autres ministres seront au banc: Éric Dupond-Moretti (Justice) et Aurore Bergé (Égalité entre les femmes et les hommes). Le reste du gouvernement sera en tribune, les places étant limitées. Députés et sénateurs siégeront eux par ordre alphabétique, et non par groupe politique, comme ils ont l’habitude de le faire dans leur chambre respective. Des explications de vote, d’une durée de cinq minutes, auront ensuite lieu en alternance entre les groupes de l’Assemblée et du Sénat. Avant que les parlementaires ne se rendent dans les salles voisines de l’Hémicycle afin de voter, pendant 45 minutes. Et que les résultats ne soient annoncés, aux alentours de 18 h 30.

Une fois le texte validé, Yaël Braun-Pivet n’aura plus qu’à se rendre, dans la salle du Sceau afin de signer le texte. Et d’apposer, pour finir, le sceau du Congrès du Parlement.