Il cédera bientôt son fauteuil de président du directoire du groupe M6. En attendant, Nicolas de Tavernost conserve son poste d’attaquant. La preuve: le dirigeant vient officiellement de rafler au nez et à la barbe de TF1 non pas une, mais deux Coupes du monde de football. M6 a acquis auprès de la Fifa l’exclusivité des matchs en clair du Mondial de foot 2026 organisé de juin à juillet aux États-Unis, au Canada et au Mexique. Il a également récupéré les droits de retransmissions des rencontres en clair du Mondial de foot 2030 prévu cette fois en Espagne, au Portugal et au Maroc.

Le diffuseur a joué un très joli coup. Il vient de faire tomber dans son escarcelle les droits de 54 des plus belles affiches de chaque compétition qui comptera désormais 104 rencontres au total, contre 64 pour les précédentes éditions. Autrement dit, M6 a décroché le gros lot, en mettant la main sur 108 matchs.

Sacrée performance pour la chaîne qui a longtemps bataillé avant de parvenir à mettre un pied sur le terrain des droits TV du ballon rond. Le premier match de football diffusé sur M6 fut le Trophée des Champions, à la fin des années 80. Sous-licencié à la «petite chaîne qui monte» par… TF1.

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Pour son concurrent, qui repart cette fois bredouille, c’est un coup de massue. Depuis la création de la chaîne, en 1975, la Une a toujours diffusé la prestigieuse compétition. Question d’image et de prestige pour le leader de la télévision française. Le 10 janvier dernier, lorsque la Fifa a lancé son appel d’offres pour l’acquisition des retransmissions des Coupes du monde de football 2026 et 2030, la filiale de Bouygues s’est positionnée bien sûr. Mais elle n’a pas souhaité surenchérir, estimant que la proposition mise sur la table par un autre concurrent était trop haute.

M6 n’est pourtant pas réputé pour être un groupe dispendieux. Nicolas de Tavernost s’amuse d’ailleurs régulièrement de la réputation de radin qui colle à son entreprise. «Cramer la caisse»? Pas franchement dans les habitudes de la maison ni de l’actionnaire, Bertelsmann, qui après des discussions préalables, a nécessairement validé le montant de l’opération. Selon une source proche du dossier, l’offre remise par M6 à la Fifa serait «tout à fait raisonnable» pour ce type de compétition et le nombre de matchs, le double de ce qui était auparavant commercialisé. À titre de comparaison, la Une avait acheté les droits des 28 meilleurs rencontres du Mondial de foot organisé au Qatar en 2022, pour un prix estimé entre 70 et 80 millions d’euros.

Certains acteurs du marché spéculent sur le fait que TF1, en réalité, s’est laissé prendre par surprise. Ils n’ont pas vu venir le coup. Ces dernières années, pour des raisons éminemment économiques, TF1 et M6 avaient plutôt décidé de jouer collectif, lorsque cela était possible sur le plan de la concurrence. Les deux diffuseurs ont acheté plusieurs compétitions ensemble. Ils ont partagé les rencontres de l’Équipe de France de football. TF1 a sous-licencié plusieurs matchs du dernier Mondial de rugby à M6 et France Télévisions, pour alléger sa facture. Les deux chaînes privées se sont aussi réparti les droits de retransmission du prochain Euro de foot 2024 et diffuseront cet été 25 des 51 matchs de la compétition.

Mais depuis quelque temps, TF1 semble avoir changé de braquet et mis fin à sa politique de mise en commun des grands événements sportifs. La filiale du groupe Bouygues a fait cavalier seul à plusieurs reprises et paraît moins disposée à partager le butin de ses droits TV. Il y a deux ans, elle a annoncé l’acquisition exclusive des droits de l’équipe de France de football jusqu’en 2028. Le diffuseur s’est aussi arrogé l’exclusivité des matchs en clair de L’Euro 2028. M6 en a visiblement tiré les conséquences. L’ère du partenariat étant révolue, lorsque la Fifa a lancé l’appel d’offres, M6 est passé à l’offensive en se positionnant là où on ne l’attendait pas forcément: sur les deux Coupe du monde de football.

M6 pourrait très bien diffuser l’intégralité des 54 matchs de chaque Mondial sur ses antennes et sa nouvelle plateforme de streaming M6 , qui sera lancée le 15 mai prochain. Les événements sportifs restants onéreux malgré tout, le groupe de Nicolas de Tavernost pourra sinon en revendre une partie, à TF1 ou d’autres diffuseurs. Cette décision incombera à son successeur, David Larramendy, l’actuel patron de la régie pub du groupe M6, qui reprendra les rênes de l’entreprise le 23 avril prochain.

En attendant, M6 peut savourer sa victoire, qui a surpris jusqu’à son actionnaire Bertelsmann. En envoyant TF1 sur le banc de touche potentiellement jusqu’en 2030, Nicolas de Tavernost vient de rappeler, à ceux qui l’avaient oublié, que son groupe joue toujours en première division.