Dans le monde des brevets européens, la France se distingue en 2023. Mais malheureusement, pas en bien. Le nombre de demande de dépôt de brevet dans l’Hexagone a reculé de 1,5 %, à 10 814, selon les statistiques de l’Office européen des brevets (OEB). Parmi les dix premiers pays, seul le Japon, à – 0,3 %, est également en baisse. Le marché européen au global est, lui, bien orienté avec une progression de 2,9 %. À 199 275 demandes, le volume de brevets n’a jamais été aussi important en Europe.

Depuis 2019, la croissance approche 10 %. « Il y a une tendance positive de long terme, analyse Yann Ménière, chef économiste de l’OEB. L’innovation devient de plus en plus centrale dans la stratégie des entreprises. Et le dépôt de brevets permet de la protéger efficacement. C’est ce qui explique que les dépôts de brevet soient assez indépendants du cycle économique. Les crises peuvent avoir un impact, comme ça a été le cas avec le Covid, mais il n’est que momentané. »

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Au fil des ans, la France cède peu à peu des places dans ce classement européen. En 2018, elle occupait le 4e rang. Elle avait été passée par la Chine l’année suivante. En 2023, elle glisse au 6e rang, passant derrière la Corée du Sud. En revanche, l’Hexagone reste deuxième si on ne prend en compte que les pays européens, derrière l’Allemagne. Le domaine des brevets est très largement dominé par les États-Unis, avec plus de 48 000 brevets déposés ( 0,4 %). Ce seul pays pèse donc plus de 24 % du total de demandes en Europe l’an passé. L’Allemagne occupe la deuxième marche du podium (24 966, 1,4 %), suivie du Japon (21 520). Mais les deux pays les plus dynamiques – et de loin – sont la Chine (20 735, 8,8 %) et la Corée du Sud (12 575, 21 %).

« Le dynamisme de la Chine et de la Corée du Sud dure depuis plusieurs années, et se confirme en 2023, souligne Yann Ménière. Il s’explique par leur présence dans les domaines d’activité les plus dynamiques en termes d’innovation. » Ces deux pays sont ainsi très forts dans la communication numérique, le secteur le plus important en volume de dépôts de brevet (17 749) et qui reste dynamique ( 8,6 %).

De même, ils sont également présents dans la transition énergétique, notamment les batteries pour véhicules électriques. Ces domaines se retrouvent dans le secteur des machines électriques et énergies électriques, selon la nomenclature de l’OEB, qui a été le plus dynamique de l’année 2023, avec une envolée des demandes de dépôt de brevet de 12,2 %. La force des deux pays asiatiques se retrouve aussi dans leurs grandes entreprises. Le tiercé de tête du côté des demandeurs de brevet est en effet occupé par le chinois Huawei et les coréens Samsung et LG.

Le lent déclassement de la France s’explique plus par le dynamisme des pays asiatiques que par une réelle baisse des dépôts en provenance de l’Hexagone. « La baisse de l’année 2023 ne semble pas structurelle », estime ainsi Yann Ménière. Il est vrai que le nombre de brevets français reste très stable au fil des années : 10 468 en 2018, contre 10 814 l’année dernière. « La grande force de la France se trouve dans les secteurs des transports ou de l’aéronautique, qui ne sont pas les plus dynamiques actuellement », pointe encore le chef économiste de l’OEB.

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Les véhicules à moteur thermique, qui n’ont clairement plus le vent en poupe, relèvent ainsi du transport. C’est encore le premier secteur en volume de brevets en France, mais il enregistre un recul de 1,5 % sur un an. La pharmacie et les biotechs sont également une force française. Et le dynamisme des secondes ( 7,2 %) compense la baisse du domaine de la pharma (- 7,6 %). La bonne nouvelle vient du secteur informatique, qui monte au deuxième rang avec une envolée des demandes de brevets de 18,2 % en seulement un an. « Ce dynamisme montre que la France existe dans un domaine comme l’intelligence artificielle, aujourd’hui promise à un très bel avenir », se félicite Yann Ménière.

Les plus importants déposants de brevets d’origine française montrent la force de ces secteurs. Les transports et l’aéronautique sont représentés par Valeo (numéro 1), Safran (3e) et Thales (6e). Le spécialiste des matériaux de construction Saint-Gobain, particulièrement dynamique dans le domaine de la construction bas carbone, occupe le 4e rang. Et le groupe pharmaceutique Sanofi est 5e. « L’une des grandes spécificités de la France tient à la force de ses organismes de recherche publics », souligne Yann Ménière. Le CEA est en effet le 2e plus gros déposant de brevets. L’Inserm est 8e, le CNRS se situe au 17e rang et l’IFP-EN est 18e. Ce qui montre l’efficacité du modèle français dans ce domaine.