Fièrement autoproclamée «revue des vieux de 27 à 87 ans», la revue Schnock s’est imposée sur le créneau de la culture populaire française des années 1950 à 1980, «à rebours du jeunisme ambiant», et sortira mercredi son 50e numéro, consacré à Johnny Hallyday. Franchir ce cap symbolique, «c’est une leçon de conservatisme», s’amuse son cofondateur, Christophe Ernault, 49 ans, également chanteur sous le pseudonyme d’Alister.
Revue trimestrielle à la fois vintage et branchée, Schnock est née en 2011. Vendue 17,50 euros, c’est un «mook» (mélange de magazine et de livre), format introduit en France en 2008 par la revue XXI. Sur 176 pages, elle parle de chansons ou de films d’il y a 40, 60 ans ou plus, de façon érudite et fouillée mais sur un ton plein d’humour distancié, et avec beaucoup de photos d’époque. Chaque numéro consacre un long dossier à un artiste, dessiné en une sur un fond coloré, ce qui donne à la revue une identité graphique forte.
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Jean-Pierre Marielle a inauguré la série, suivi de Coluche, Françoise Hardy, Alain Delon, Véronique Sanson ou Bourvil. Schnock est née de l’idée qu’il y avait «un gros manque dans la presse culturelle en France», raconte Christophe Ernault. Selon lui, cette presse était «très limitée à un certain type d’objet culturel, le cinéma de la Nouvelle Vague et ses héritiers, ou la musique un peu pointue». L’idée était donc «de raconter des destins de vedettes populaires qui n’avaient peut-être pas la reconnaissance qu’elles méritaient». «C’est un regard rétro, vintage et vivant», renchérit l’autre cofondateur, Laurence Rémila, également directeur du magazine Technikart.
M. Rémila revendique l’influence de la presse culturelle anglaise pour traiter avec «une grande rigueur, un grand sérieux et beaucoup d’amour» des sujets «objectivement légers». Une ligne que résume le nom de la revue: «C’est une insulte transformée en cri de ralliement», sourit-il. Schnock a remporté d’emblée un large succès d’estime dans la presse, «de Libé au Figaro», se souvient M. Ernault. Les ventes ont suivi, dans les proportions qui sont celles d’un média de niche, autour de 8000 à 9000 exemplaires par numéro en moyenne. Les anciens continuent à s’écouler bien après leur parution puisque certains les collectionnent.
Imprimé six fois depuis sa première publication en 2011, le numéro 1, sur Jean-Pierre Marielle, en est à 18.000 ventes, record de la série. Le moins bien vendu est celui sur Henri Salvador (5000). «Il y a un plafond de verre d’environ 20.000 personnes. Ça ne sert à rien d’imaginer qu’on va en attirer 100.000», juge M. Ernault, qui signe de nombreux articles, les autres étant écrits par des pigistes. À côté des unes sur d’énormes stars, il tient donc à en faire sur d’autres artistes a priori moins vendeurs, comme Daniel Prévost ou Guy Marchand: «C’est une question de crédibilité vis-à-vis des vrais fans de la revue, ceux qui l’achètent tout le temps».
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Le profil des lecteurs? «Des gens de 40, 50 ou 60 ans, mais il y a aussi des jeunes qui redécouvrent ces années-là grâce à YouTube», répond Alexandre Chabert, des éditions La Tengo, qui publient Schnock (avec Flammarion comme distributeur). Selon M. Chabert, qui ne dévoile pas le budget de la revue, «70% des ventes sont réalisées en librairie, 20% en kiosques et 10% par abonnement». Schnock existe uniquement en version papier. «Une version numérique ne serait pas adaptée au contenu, qui est celui d’un beau livre plus que d’un magazine», fait valoir l’éditeur.