Épilogue d’un long feuilleton et premier jour d’un grand défi : le distributeur Casino, dirigé pendant 20 ans par Jean-Charles Naouri, passe ce mercredi entre les mains de ses repreneurs emmenés par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, et la nouvelle équipe aura fort à faire pour le relancer. C’était il y a presque un an, le 24 avril 2023 : Daniel Kretinsky, deuxième actionnaire de Casino derrière l’inamovible Jean-Charles Naouri (via Rallye et une cascade de holdings), proposait d’injecter 750 millions d’euros pour secourir un groupe étranglé par son endettement, à condition d’en prendre le contrôle et d’écraser la plupart des créances dues.

Depuis, les épisodes furent nombreux : d’abord une bataille pour la reprise, face au trio Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari ; puis la cession de toutes les activités du groupe Casino en Amérique latine et de la quasi-totalité des magasins grand format en France; ensuite, une procédure de sauvegarde accélérée… Et finalement ce mercredi, la dilution des actionnaires actuels via des augmentations de capital qui vont permettre à Daniel Kretinsky, Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds Attestor de prendre le contrôle de Casino. À la même date, la dette du distributeur doit être ramenée de 7,4 milliards d’euros à fin 2023 à un peu plus de 2,6 milliards d’euros, avec des échéances de remboursement allant de janvier 2027 à fin mars 2028.

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Dès mercredi soir est prévue une réunion du nouveau conseil d’administration du distributeur, présidé par l’ancien secrétaire d’État macroniste Laurent Pietraszewski et incluant parmi ses membres le futur directeur général Philippe Palazzi, ou Athina Onassis, descendante du célèbre armateur grec Aristote Onassis. À cette occasion, le PDG depuis 2005, ancien haut fonctionnaire et banquier d’affaires Jean-Charles Naouri «démissionnera de l’ensemble de ses fonctions avec effet immédiat» et «sans indemnité de départ», a indiqué le groupe.

Ses plans pour l’avenir ne sont pas connus. Il est administrateur de Fimalac, la holding de Marc Ladreit de Lacharrière. Daniel Kretinsky, magnat de l’énergie qui lorgne de plus en plus sur la distribution, s’était réjoui fin février «de redonner des moyens et par-là même du souffle» à un groupe «redimensionné, réorganisé et désendetté». Le milliardaire tchèque est déjà le premier actionnaire de l’allemand Metro, de Fnac Darty et détient aussi la maison d’édition Editis et des titres de presse français (Marianne, Elle…).

L’activité de Casino a fondu au fil des cessions des derniers mois. Les effectifs français du distributeur vont passer de 50.000 fin 2022 à 28.212 après cession de nombreux magasins à ses concurrents Intermarché, Auchan et Carrefour. Par ailleurs, Casino n’a quasiment plus de présence à l’international. Au total, une fois les cessions déjà actées entièrement finalisées, le nouveau groupe pèsera environ 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires – c’est dix fois moins que Carrefour -, dont la moitié via l’enseigne Monoprix.

Il comptera 8634 points de vente sous enseignes Monoprix, Naturalia, Franprix, Viva, Spar ou Petit Casino. Le groupe est très fort en Île-de-France, surtout à Paris où il représente 54,5% de la surface de vente de la grande distribution, selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur). Les repreneurs espèrent rétablir une bonne rentabilité assez vite, avec pour objectif de multiplier l’«Ebitda (excédent brut d’exploitation) ajusté après loyers» du distributeur par plus de 7 à horizon 2028.

Ils comptent y parvenir via une politique de prix «compétitifs et stables», l’expansion par la franchise ou encore une optimisation de la logistique. Environ 1,6 milliard d’euros d’investissements sont prévus d’ici 2028, notamment pour «rénover le parc de magasins», souvent en piètre état après des années à privilégier le désendettement au détriment de l’activité commerciale.