En février, alors qu’il était venu transmettre Sadeh 21 aux danseurs du ballet de l’Opéra de Paris, Ohad Naharin assurait que la Bastheva Dance Company, ancrée à Tel Aviv, viendrait bel et bien danser à Paris. «La situation est folle et on se sent impuissant, disait-il. La plupart des pays ont annulé nos tournées sauf la France et le Portugal. Le motif: on craint de ne pas pouvoir assurer notre sécurité, ce qui est absurde. On a le droit de protester contre ce qui se passe en Israël, mais je n’ai pas le sentiment que cela menace notre sécurité.» La Batsheva, invitée par Chaillot, devait danser à la Grande Halle de la Villette du 6 au 15 juin une pièce intitulée 2019.
Cette programmation avait en fait été modifiée après les évènements du 7 octobre dernier. Au départ la compagnie avait été invitée pour danser Anaphase (1), célébration musclée et joyeuse censée commémorer les 30 ans de Naharin à la tête de la compagnie. La pièce aurait aussi été donnée en ouverture de Montpellier Danse, en plein air, dans le cloître. La sécurité étant trop délicate, Montpellier avait choisi de reporter à 2025. Chaillot de son côté avait changé de programme, et remplaçant le tonitruant Anaphase par le plus méditatif 2019.
«La compagnie pour des raisons de sécurité ne souhaite plus se déplacer», annonce aujourd’hui Chaillot qui espère trouver un programme de remplacement pour les huit dates de la Batsheva à la Grande Halle dont les mille places chaque soir ont été vendues.
Est-ce la peur ou la raison qui a dicté à la Bastheva le refus de voyager? Après le 7 octobre, une poignée de danseurs avait choisi de quitter le pays: «Je m’investis pour prendre soin des danseurs et que la compagnie reste connectée au cœur de ce qui nous rassemble: la recherche sur comment et pourquoi la danse. Dans cette situation catastrophique, les valeurs humaines à la Bastheva n’ont jamais été aussi fortes», confiait encore Naharin. Au reste, le chorégraphe a toujours pris ses distances avec le régime et tient à préciser que la compagnie n’est pas une compagnie nationale mais une fondation financée par des bienfaiteurs. «J’appartiens en Israël au groupe des bâtisseurs et j’aimerais qu’un jour il puisse prendre le pouvoir sur celui des destructeurs qui nient la réalité» , précisait-il en visant ostensiblement le régime de Nétanyahou.