À 95 ans, l’ancien président du Front national (ex-RN) a été placé «sous régime de protection juridique», a indiqué Louis Aliot ce mercredi matin. Jean-Marie Le Pen a fait l’objet mi-février d’un mandat de protection future, a précisé son avocat, Me François Wagner.

Plus souple qu’une curatelle ou une tutelle, le mandat de protection future prend la forme d’un contrat permettant à une personne en bonne santé d’anticiper la dégradation de ses capacités intellectuelles ou cognitives pour désigner lui-même un ou plusieurs mandataires chargés d’agir à sa place le moment venu. Dans les faits, les pouvoirs du mandataire sont assez étendus et comparables à celui d’un tuteur. «L’intérêt principal de cette mesure réside dans le choix du mandataire, alors que le curateur et le tuteur sont désignés par décision de justice», explique au Figaro Me François Wagner.

«Jean-Marie Le Pen a signé un mandat de protection future avec ses trois filles, Marie-Caroline, Yann et Marine, en octobre 2022 devant notaire», précise Me François Wagner. Mais ce mandat ne pouvait s’ouvrir que sur décision de justice, après constatation par un médecin expert, de la dégradation des capacités de Jean-Marie Le Pen. «Sollicité par la famille, un médecin a établi à l’altération de la santé physique Monsieur Le Pen ainsi qu’à celle de sa mémoire», détaille l’avocat du fondateur du parti à la flamme. À la suite de quoi, le 16 février 2024, le tribunal de proximité de Puteaux (Hauts-de Seine) a donné effet au mandat sur demande de la famille. À noter donc que l’annonce de Louis Aliot ce 3 avril 2024 intervient plus de deux ans après la conclusion de ce mandat et près de trois semaines après son ouverture.

En quoi consiste concrètement le mandat qui s’est ouvert le 16 février pour les filles Le Pen ? Le mandat entre «le Menhir» et ses filles ayant été conclu par acte notarié, ils portent sur tout type d’acte, y compris les actes de vente. Désormais, Marie-Caroline, Yann et Marine Le Pen pourront réaliser, seule ou de concert, divers actes civils au nom de leur père, concernant par exemple les banques, l’administration fiscale, ou les caisses de retraite. «Les mandataires ne sont pas complètement des tuteurs, explique Me François Wagner, car Jean-Marie Le Pen conservera l’exercice de ses droits aussi longtemps qu’il en sera capable. Mais c’est la seule différence car les deux statuts sont très proches.» Une fois ouvert, un mandat de protection dure deux ans, contre cinq ans dans le cas d’une curatelle ou d’une tutelle.

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Mais la vraie question est sans doute ailleurs. L’ouverture de ce mandat de protection pourrait-il permettre à Jean-Marie Le Pen de ne pas comparaître à son procès dans l’affaire des assistants parlementaires européens prévu à l’automne ? En effet, sans conduire automatiquement à l’impossibilité de comparaître, l’activation du mandat de protection future constitue un indice sur l’état de santé de la personne. «Monsieur Le Pen ne peut plus se déplacer», a fait valoir Me François Wagner auprès du tribunal.

Le tribunal correctionnel de Paris doit se prononcer sur ce point le 3 juillet, après avis d’experts médicaux. Les magistrats vont non seulement devoir confirmer l’incapacité de se déplacer de Jean-Marie Le Pen, mais estimer si oui ou non cette incapacité l’empêche de se défendre dans le cadre de son procès. Si le tribunal constatait que Jean-Marie Le Pen ne pouvait assurer pleinement sa défense, le procès serait renvoyé dans l’attente d’un illusoire rétablissement.

Cette hypothèse d’un procès sans Jean-Marie Le Pen complexifierait encore davantage un dossier déjà tentaculaire. Parmi les prévenus, outre l’ancien président du Front national, figurent Marine Le Pen, Louis Aliot, l’ex-numéro 2 du parti Bruno Gollnisch, le vice-président exécutif de Reconquête! Nicolas Bay, l’ex-trésorier du FN Wallerand de Saint-Just ou encore le député et porte-parole du RN Julien Odoul.

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L’ex-eurodéputé Jean-François Jalkh est également visé, mais lui aussi pourrait faire l’objet d’une disjonction de son cas, pour des raisons de santé. Au total, une dizaine de personnes ayant été élues eurodéputés sur des listes Front national (désormais RN), douze autres ayant été leurs assistants parlementaires, ainsi que quatre collaborateurs du parti doivent être jugés.

Mais, si Jean-Marie Le Pen et Jean-François Jalkh devaient finalement ne pas comparaître, la défense de nombreux prévenus – à commencer par celles de leurs assistants – pourrait être «entravée», ont souligné plusieurs sources proches du dossier, en mettant en exergue «l’indivisibilité des poursuites».

L’enquête avait débuté en mars 2015. Le Parlement européen avait annoncé avoir saisi l’office anti-fraude de l’UE d’éventuelles irrégularités commises par le Front national concernant des salaires versés à des assistants parlementaires. Les magistrats soupçonnent le parti à la flamme d’avoir «de manière concertée et délibérée» mis en place un «système de détournement» des enveloppes (21.000 euros mensuels) allouées par l’Union européenne à chaque député pour rémunérer des assistants parlementaires. Ces derniers auraient travaillé en réalité tout ou partie pour le FN, lui permettant ainsi des économies substantielles de salaires. Le Parlement européen, partie civile, avait évalué en 2018 son préjudice à 6,8 millions d’euros pour les années 2009 à 2017.