Une troisième journée de manifestation en l’espace de trois mois. Les infirmiers libéraux sont descendus dans la rue ce jeudi, pour réclamer en particulier une revalorisation des tarifs de leurs actes. «Se saigner pour soigner, jusqu’à quand ?», «Valletoux, lâche les sous», affichaient par exemple leurs pancartes dans le cortège parisien. «Depuis quinze ans, nos actes n’ont pas été revalorisés, mais comme les charges, elles, augmentent, on ne s’en sort plus», alertait ce jeudi matin sur Franceinfo Gaëlle Cannat, co-présidente du collectif des «Infirmiers libéraux en colère».
Sur le papier, pourtant, la rémunération des infirmiers libéraux semble assez confortable. Il n’existe pas de grille de «salaires», puisque ces professionnels, à plus de 80% des femmes, sont rémunérés à l’acte. Ils touchent donc des revenus, sur lesquels ils payent des charges (Urssaf, caisse de retraite, carburant, logiciel…) «très lourdes», représentant «50 à 55%» de leurs recettes, souligne Ghislaine Sicre, présidente du syndicat Convergence infirmière.
Cette précision faite, il existe différentes estimations de la rémunération moyenne de ces blouses blanches. Le bénéfice moyen d’un professionnel titulaire oscille autour de 45.000 euros par an, soit 3750 euros net avant impôt par mois. Par exemple, les données de référence d’Arcolib, l’organisme de gestion agréé par l’administration des finances publiques pour les professions libérales, les artisans, les commerçants et les agriculteurs, montre qu’une infirmière engrangeait en moyenne 83.660 euros de recettes en 2022, pour un résultat moyen de 44.780 euros après paiement des charges.
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En se basant sur les résultats de 400 cabinets sélectionnés parmi les 7800 qu’il accompagne, l’observatoire de la société Fiducial sur les infirmiers libéraux (édition 2023) aboutit à un résultat légèrement supérieur (47.706 euros par an, soit près de 4000 euros par mois). Quant à l’Insee, ses dernières données datent de 2017 : l’institut national de la statistique estimait le revenu d’activité mensuel des infirmiers et sages-femmes libérales à 3860 euros par mois. Pour toutes ces estimations, on parle bien sûr de revenus avant impôts. En comparaison, les infirmiers travaillant dans les établissements de santé publics ou privés touchaient en moyenne un salaire net de 2449 euros par mois en 2020, selon les chiffres les plus récents de la Drees, le service statistique du ministère de la Santé.
Mais, ce que mettent en avant les 135.000 infirmiers libéraux en France, c’est que leurs revenus progressent très peu, contrairement à l’inflation. Selon les données d’Arcolib, leur résultat moyen a même reculé de 7 points entre 2021 et 2022. «En dix ans, nous avons perdu 25% de pouvoir d’achat», déplore Ghislaine Sicre. La présidente de Convergence infirmière souligne par ailleurs que, si les professionnelles libérales semblent plutôt bien gagner leur vie, leurs contraintes sont très fortes. «On travaille entre 12 et 13 heures par jour, on peut commencer très tôt le matin et finir très tard le soir, on travaille le week-end et les jours fériés et on est obligé d’assurer la continuité des soins», énumère-t-elle. Ainsi, son syndicat a calculé que si les infirmières libérales travaillaient 35 heures par semaine, leur revenu serait de 2000 euros par mois.
Jeudi, les organisations professionnelles ont finalement été reçues par le ministre délégué chargé de la Santé, Frédéric Valletoux. Le ton, à la sortie, était mitigé : «Ça s’est bien passé. On est satisfaits d’avoir pu échanger directement avec lui», a d’abord déclaré la co-présidente du collectif organisateur de la manifestation, Gaëlle Cannat. S’il n’y a «plus d’argent dans les caisses», le ministre a promis «que nos revendications seraient rapidement analysées par un groupe de travail, auquel on participera», a ajouté la représentante.