«Il y a énormément de travaux prévus et ils sont planifiés de façon hallucinante !» La compagnie European Sleeper, qui veut faire rouler des trains de nuit à travers l’Europe, ne décolère pas face à l’usine à gaz des chantiers de SNCF Réseau, le gestionnaire du réseau ferré. La nouvelle venue, qui opère déjà une ligne nocturne de Bruxelles à Prague via Amsterdam et Berlin, voudrait se lancer entre Amsterdam et Barcelone. Mais le projet est au point mort à cause des difficultés rencontrées pour obtenir un sillon (un créneau de circulation) en France, passage obligé pour rejoindre l’Espagne.
Trop de travaux prévus la nuit et trop de lignes fermées : impossible en l’état de prévoir une offre de train de nuit pérenne, s’agace Elmer van Buuren, cofondateur de European Sleeper. «Ils ferment quasiment tout et, à la dernière minute, ils décident de quels travaux sont finalement réalisés», accuse-t-il, soupçonnant SNCF Réseau de «prévoir beaucoup plus de travaux qu’elle ne peut en réaliser». Le blocage est tel que la compagnie s’est rapprochée de l’Autorité de régulation des transports (ART), comme l’a indiqué son patron dans La Vanguardia fin mars. «Ce n’est pas encore une procédure officielle, mais nous envisageons une saisie formelle», précise Elmer van Buuren au Figaro.
«SNCF Réseau accompagne European Sleeper depuis fin 2020 sur toutes les phases et les composantes de son projet de circulation de nuit entre Amsterdam et Barcelone pour faire en sorte que ce dernier puisse se réaliser en prenant en compte les caractéristiques de son offre et les conditions de circulation sur le réseau», se défend le gestionnaire du réseau ferré. Il estime que la demande initiale de la compagnie «se basait sur un temps de parcours qui n’était pas compatible avec les conditions de circulation du réseau» mais avoir fait «des propositions d’itinéraires alternatifs».
«On nous a répondu qu’il fallait prévoir 5h30 de plus ! s’étrangle Elmer van Buuren. Économiquement, ce n’est pas viable.» Plutôt que de passer par Lille, European Sleeper dit avoir proposé un autre trajet par l’est de la France. «Là, on nous a proposé 3 heures de plus, et encore ce n’est pas garanti.»
SNCF Réseau assure organiser «chaque année un dialogue avec tous ses clients sur les modalités d’organisation des travaux prévus deux ans plus tard […] qui permet de publier un an avant le début des circulations les capacités disponibles pour la circulation des trains». Ces travaux seraient prévus de façon à limiter «au maximum l’impact sur les circulations ferroviaires», notamment en faisant rouler les trains sur une seule voie lorsque c’est possible ou en regroupant les gros chantiers.
Près de 1600 opérations sont ainsi prévues sur le réseau ferré français en 2024, dont 3,2 milliards d’euros d’investissement pour la (plus que nécessaire) régénération des voies, sur laquelle la France a pris beaucoup de retard. Mais une grande partie de ces chantiers est réalisée de nuit où la circulation ferroviaire, limitée au fret et à quelques trains de nuit, est moins importante. Un désavantage pour les trajets nocturnes, d’autant que ces liaisons parcourent d’importantes distances, ce qui multiplie les chances de voir une portion du parcours fermée.
«European Sleeper est donc informée de ces conditions de circulation, et des propositions d’itinéraires lui ont été faires à l’automne, qu’elle doit maintenant confirmer dans sa commande pour 2025 d’ici au 8 avril», indique SNCF Réseau. Ce que compte faire la compagnie, qui va tenter de déposer ses demandes de sillons pour l’année prochaine. Si la réponse, attendue pour début juillet, n’est pas favorable, Elmer van Buuren assure qu’il saisira l’ART.