Les éditions Gallimard viennent de publier deux inédits de Jean Genet, le drame en quatre actes Héliogabale, jamais monté sur scène et longtemps considéré comme perdu, et le scénario de Mademoiselle, adapté au cinéma, par le réalisateur britannique Tony Richardson en 1966, avec dans le rôle-titre Jeanne Moreau. Jean Genet (1910-1986) avait rédigé le scénario sous forme de longue nouvelle avec dialogues en 1951, avec comme titre Les Rêves interdits, ou l’autre versant du rêve.
Après plusieurs tentatives avortées avec d’autres réalisateurs, l’écrivain fut approché par Tony Richardson pour peaufiner ce scénario, se mit au travail, mais ne donna plus de nouvelles et s’en désintéressa complètement. Ce drame fut tout de même tourné, en Corrèze, et mal accueilli lors de sa projection au festival de Cannes 1966.
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Méconnu jusque-là en revanche, le drame en quatre actes Héliogabale a été essentiellement écrit à la prison de Fresnes en 1942, à la même époque que son premier roman, Notre-Dame des Fleurs. Incarcéré pour le vol de livres, Genet, 31 ans, connaît alors la période la plus prolixe de sa vie d’écrivain, qui ne fait que débuter. Une fois libéré, il fait lire la pièce à quelques proches et Jean Marais, «à qui avait été proposé le rôle-titre», mais qui «ne fut guère enthousiasmé», selon l’introduction signée François Rouget, professeur à l’université Queen’s de Kingston (Canada).
Jean Cocteau l’a lu aussi. Jean Genet n’a jamais réussi à lui trouver un éditeur. Il a laissé le manuscrit au secrétaire de Cocteau, qui l’a vendu à un libraire spécialisé dans les années 1950. Puis une bibliothèque de l’université Harvard, la Houghton Library, l’acheta en 1983, trois ans avant la mort de Genet. C’est là que l’a retrouvé François Rouget. Héliogabale met en scène les derniers jours de l’empereur romain ainsi surnommé, qui fut assassiné vers ses 19 ans, en l’an 222.
Dans une longue critique pour la revue NRF, l’écrivain Jonathan Littell (prix Goncourt 2006 pour Les Bienveillantes) le qualifie d’«énergumène fabuleux, solaire et pervers qui a tant fasciné Genet» après être «resté dans l’imaginaire des siècles (…) grâce à la littérature», notamment l’essai Héliogabale ou l’anarchiste couronné d’Antonin Artaud (1934). Quant au Genet de cette époque, Littell le décrit comme «pris en tenaille entre son ambition littéraire démesurée et la réalité pénible de sa situation», la pauvreté et la quête de ses origines, lui né de père inconnu, puis abandonné par sa mère.