«Un discret soutien avalisé par l’État, à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros par an.» Le Français leader mondial du covoiturage BlaBlaCar a bénéficié depuis 2012 d’un mécanisme d’obligations environnementales financé par les énergéticiens, le «CEE», dont l’efficacité en termes de bénéfices climatiques a été «surestimée» par l’État, a affirmé ce samedi 6 avril le journal Le Monde . «Une rente opaque dont BlaBlaCar a été le bénéficiaire quasi exclusif pendant une décennie et continue de profiter aujourd’hui», écrit le quotidien.
Des revenus dont BlaBlaCar ne nie pas avoir bénéficié, mais l’entreprise assure en revanche qu’elle n’était pas la seule à profiter de la manne financière. «Jusqu’en 2023, chaque acteur du covoiturage avait sa propre fiche spécialisée (opération spécifique CEE), nous, mais également nos concurrents», s’est défendu BlaBlaCar auprès de l’AFP.
Selon Le Monde, l’entreprise a engrangé de confortables revenus grâce au mécanisme des Certificats d’économies d’énergie (CEE), qui au nom du principe du pollueur-payeur, impose à des fournisseurs d’énergies de financer des actions favorisant la sobriété et l’efficacité énergétiques. C’est dans ce cadre que TotalEnergies et BlaBlaCar se sont engagés dans un partenariat, à partir de 2012. À l’époque, le groupe pétrolier offrait des cartes carburants de 20 euros aux nouveaux inscrits tout en versant à BlaBlaCar «plusieurs dizaines d’euros pour chaque conducteur enregistré», générant ainsi des liquidités pour la start-up en développement.
Ce montage, «validé par le ministère de l’Ecologie» et aux contours «secrets», s’inscrivait dans le cadre d’une «opération spécifique CEE», qui aurait profité à «la seule entreprise» Blablacar pendant des années, avant que «ses rivaux Karos et Klaxit (absorbé par BlaBlaCar en 2023 )» n’obtiennent «l’équivalent que quelques années plus tard», dans une moindre mesure, explique le quotidien.
Selon les calculs du journal, ces dispositifs ont permis aux trois plateformes d’engranger ensemble «au moins 250 millions d’euros entre 2012 et 2021». Par la suite, en 2023, le gouvernement a publié une fiche standardisée CEE pour tous les acteurs du covoiturage.
TotalEnergies, qui dit être en partenariat avec trois opérateurs (BlaBlaCar, Moovance, Stadium Go), a précisé à l’AFP avoir versé en 2023 des primes à près de 500.000 nouveaux conducteurs. Selon Le Monde, BlaBlaCar aurait capté «au moins 100 millions d’euros» grâce aux CEE l’an dernier. Un chiffre que n’a pas voulu confirmer l’entreprise, pas plus que les sommes perçues depuis le début, même si elle indique «n’avoir rien à cacher».
Au-delà du soutien généré par les CEE au secteur du covoiturage, le quotidien met en cause des effets d’aubaine pour les automobilistes, soulignant que le calcul de leur bénéfice environnemental a été «très largement surestimé» par l’État. Le ministère de l’Économie ne souhaite «pas [faire] de commentaire sur ce cas particulier» de BlaBlaCar, tout en soulignant que le ministre Bruno Le Maire «a annoncé que l’impact de tous les CEE sur les économies d’énergie va désormais être davantage évalué».