La dyslexie est un trouble de l’apprentissage qui pèse lourdement sur le quotidien scolaire et familial des enfants concernés. Convaincre ces derniers de se remettre au travail en sortant de l’école peut relever, pour les parents, du parcours du combattant. Aussi la jeune start-up française “Poppins” a-t-elle eu l’idée de concevoir un jeu vidéo “sérieux” destiné aux 7-11 ans, avec lequel les petits joueurs travaillent leurs difficultés en lecture, écriture et coordination sans réellement s’en apercevoir, assure-t-elle.
La dyslexie se révèle généralement en CP et toucherait 4 à 5 % des enfants. Les confusions auditives entre le “p” et le “b” , ou le “t ” et le “d” , des inversions de lettres en écrivant « fitre » au lieu de « frite », une difficulté à lire ou à comprendre des mots en sont quelques exemples typiques. Le Dr Catherine Grosmaitre de l’équipe de Poppins, neuropsychologue, responsable du centre de référence des troubles du langage et des apprentissages de l’hôpital Necker-enfants malades de Paris souligne que « dans la moitié des cas, la dyslexie est associée à un autre trouble comme la dyspraxie touchant la coordination des mouvements ». Lorsqu’elle est prise en charge, la dyslexie peut heureusement s’atténuer avec l’âge.
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Alors que les parents s’arrachent les cheveux au moment de faire travailler la dictée, Poppins propose de faire «jouer» l’enfant sur ses difficultés. Le «jeu sérieux» (de l’anglais serious game) a plusieurs atouts : son aspect ludique, son graphisme fluide et agréable (il a été conçu en coopération avec Ubisoft, un grand nom du jeu vidéo français), et une progression qui prend la forme de passages de niveaux ou de gains de points , loin des notes scolaires stigmatisantes.
Comme dans un jeu classique, le joueur fait évoluer un petit personnage imaginaire (castor, extraterrestre ou humanoïde) dans un environnement coloré de forêts luxuriantes ou de vieux temples antiques. Plusieurs programmes permettent à l’enfant de cultiver son écoute, son sens du rythme, l’écriture et la lecture. Le rythme et la coordination sont par exemple travaillés en agitant la tablette pour faire sauter un personnage au moment précis où sonne une troisième note. La progression est subtile car dans les premiers niveaux, un champignon signe visuellement la pulsion pour le saut. Puis, dans les niveaux suivants, le joueur ne pourra se fier qu’à son écoute car le personnage sauteur sera caché par un nuage.
Emmanuelle David, institutrice à Brive la Gaillarde et maman de Clément, 10 ans et dyslexique, rapporte, émue que « Poppins est devenue une activité quotidienne à la maison». «Clément a progressé en quelques semaines, raconte-t-elle lors d’une conférence de presse de présentation du jeu. À l’écrit, il a arrêté de sauter des lettres. Il segmente mieux les mots, il fait moins d’erreurs de lecture et est devenu plus endurant avec une meilleure mémoire de travail. Ses résultats scolaires sont meilleurs : il y a un an, il faisait 27 fautes sur une dictée préparée, mais il y a deux semaines, il est rentré sans aucune faute». Elle apprécie aussi l’interface numérique associée au jeu à destination des parents qui permet échanges, visioconférences, actus, podcasts, etc.
Pour répondre à la difficulté des parents de se repérer dans la jungle des outils proposés sur internet, Poppins a fait valider son jeu par l’Agence nationale du médicament, dans la catégorie «thérapie numérique destinée à la rééducation du trouble spécifique des apprentissages par un entraînement cognitif et rythmique». Par ailleurs, l’efficacité du jeu va être évaluée et comparée à un jeu placebo (qui ne se propose pas de traiter la dyslexie). Les résultats préliminaires sont encourageants concernant la vitesse et la précision de lecture des enfants dyslexiques, assure la start-up. François Vonthron, son co-fondateur, précise qu’« il faut au moins 3 mois pour observer des progrès chez un enfant ».
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Reste que, comme tout jeu vidéo, Poppins a ses limites. Face au risque d’addiction aux écrans, l’entreprise recommande de limiter l’usage du jeu à 20 minutes par jour. Cet outil doit en outre être utilisé comme une aide complémentaire à l’orthophonie, et ne pas s’y substituer. L’application est actuellement disponible en téléchargement sur smartphone et tablette (IOS et Android), moyennant un abonnement allant de 26 à 39 euros par mois selon la durée d’engagement. Le coût est partiellement pris en charge par certaines mutuelles.
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